• Ce petit texte a été écrit dans le cadre d'un concours. Le thème : Le bruit.

     



     

    Je me prénomme Jeanne et j’ai plus de septante ans. Avec le temps on finit par cesser de compter les années et par oublier quel est son âge exact. Vais-je atteindre septante-cinq ou septante-six ans... je m’appuie toujours sur mes invités pour me le rappeler.
    J’habite avec mon époux, Adam, dans une petite maisonnée. Par moment, on se dit qu’on devrait entrer en maison de repos puis on repousse l’idée et l’on continue de vivre comme avant, comme un petit couple avec son train-train habituel.
    Je gémis en entendant ce bruit que je perçois à longueur de journée. Je me dirige vers la table et écris un petit mot pour l’homme que j’aime après plus de quarante-cinq ans de mariage.
    Mais après quarante ans de mariage, nous avons commencé à communiquer par papier essentiellement. J’aurais préféré que l’on puisse faire différemment malheureusement le destin en a décidé autrement.
    Je dépose le mot puis pars faire les courses. Ça me demandera encore des heures mais j’ai, au moins la satisfaction de pouvoir le faire moi-même. Une de mes amies fait appelle à une aide sociale mais se plaint continuellement de ce qu’il en ressort. Par conséquent, moi, je ne peux m’en prendre qu’à moi en cas de problème !

     
    « Tu l’entends toujours ? » m’attend un petit message lorsque je veux ranger les courses.
    Quatre mots écrits de sa douce main.

    Je tends l’oreille. Rien. Ce bruit me rendait folle. Je suis la seule à le percevoir, je crois, un bruit constant, lourd et gênant. Répétitif, fixe...

    Mais quand j’invite mes amies ou demande leur avis au plombier, à l’électricien ou qui sais-je encore de venir, personne – et moi compris – ne l’entende.
    À croire que j’ai vraiment perdu la tête. Peut-être l’âge après tout. Je ne suis pas à l’abri de la sénilité, surtout pas lorsqu’on n’est déjà plus capable de se rappeler son âge exact.
    Et peut-être aussi que le manque de contact influe. Entre mon mari et moi qui ne nous parlons plus, ou presque, et la mort de notre chat Bouboule, une jolie petite bête blanche, mort il y a un an. Sans oublier que nos enfants, eux, ne viennent nous voir que pour les fêtes, sinon, ils nous abandonnent dans notre solitude.

    Ah ça, nous avons fait deux magnifiques enfants. Une jolie femme de quarante ans maintenant, avec trois enfants, secrétaire médicale et mariée au médecin pour qui elle travaillait. Et un brave homme de quarante-cinq ans, architecte, marié à une jeune femme de trente ans, qui est décoratrice d’intérieur, et père de deux fils.
    Et si ma vie est plutôt belle malgré la solitude, j’entends ce bruit, tout le temps au point où je me demande si ce bruit n’est pas l’insolente mélodie de mon esseulement.

     


    Je me prénomme Adam, j’atteins difficilement les quatre-vingts ans et je n’ai d’yeux que pour mon épouse. Je l’ai rencontrée un soir d’été, il y a quarante-six ans, à l’aube de ses vingt ans. On s’est de suite plu et après des épousailles à la hâte, car notre petit Gregory grandissait en son sein, on ne s’est plus jamais abandonné.
    À l’époque, il était impensable que l’on ait des relations impures mais nous étions jeunes, amoureux et nos hormones étaient aussi puissantes que nos idées avant-gardistes.
    Je ne pourrai jamais déplorer ces temps perdus, nous étions certes, jeunes et naïfs, mais je ne pourrais regretter notre amour, notre mariage, nos enfants.
    Mais les choses ont bien changé. Un accident dans la métallurgie où je travaillais m’a rendu sourd il y a environ dix ans à présent. Depuis, si je peux parler à ma femme, je n’entends plus le doux son de sa voix et on est forcé de communiquer par papier.
    Je me trouvais trop âgé pour apprendre la langue des signes et je n’ai jamais été bien doué pour lire sur les lèvres. Nous sommes heureux ensemble, ça, ça ne changera jamais mais je ne pourrais jamais cacher que l’on se perd un peu.
    Ma Jeanne se croit devenir folle depuis un peu plus d’un an, depuis la mort de ce pauvre Bouboule qui s’est jeté sur un de nos restes de poisson et s’est étranglé avec une arête.
    Elle entend des bruits étranges, elle a fait appel plus d’une fois à des inspecteurs pour vérifier chaque coin de notre maison. Elle a eu recours aux dératiseurs et aux autres exterminateurs en tout genre.
    Ses amies sont venues aussi et personne n’a rien vu. C’est évident bien sûr. Ma Jeanne n’a plus assez de force depuis un an, l’âge – sans aucun doute – et elle ne sait plus bien fermer les robinets qu’elle trouve trop durs.
    Le bruit qu’elle entend tout le temps n’est que les « plocs plocs » des gouttes d’eau tombant dans l’évier. Je repasse toujours derrière elle et ferme bien. Plus d’une fois, j’ai essayé de lui expliquer. « C’est l’évier » lui ai-je écrit à maintes reprises mais elle s’est contentée d’appeler le plombier. Elle ne comprend pas. Elle pense que c’est une fuite... puis elle oublie et ne perçoit plus que ce bruit qui la fait devenir folle.
    J’ai perdu l’ouïe il y a dix ans et j’ai appris à observer. Quelquefois, je lui souhaite de perdre l’ouïe quelques jours et d’apprendre à regarder avec attention, car je ne suis pas sûr de rester sur terre encore longtemps avec elle.
    J’espère sincèrement que l’on disparaîtra en même temps... car je n’aimerais pas la voir souffrir, la voir partir.
     

     

    © Angelscythe 2012

     

     


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  • Cette nouvelle a été écrite dans le cadre d'un concours. Elle était l'essai numéro deux. Le thème : Le bruit.



     

    Dès qu’il eut posé un pied dans l’infrastructure, l’évidence lui sauta à l’oreille. Il ne pourrait pas se débarrasser de ce brouhaha omniprésent.

    Tac tac. Le bruit des pas. Toudoutoudoumtoudoum. Les trains rentrants en gare. Les chuchotis...
    Ce serait la première fois de sa vie qu’il voyagerait sur une rame... Depuis toujours, il n’avait jamais aimé les stations. Il ne supportait les voitures qu’avec grande peine.
    S’il était là aujourd’hui c’était parce que son véhicule était en panne et qu’il devait se présenter à un rendez-vous important dans une autre ville.

    Mais il n’appréciait pas ça. Pour lui, toute gare était tel un véritable Pandémonium.

    Le chahut des familles, des valises à roulettes sur le sol, des enfants qui criaient, des communiqués qui résonnaient dans le bâtiment et le bruit des convois.

    – Attention, attention ! Le train en provenance de Bruxelles va rentrer en gare, voie 7.

    Il sursauta, la main sur le cœur tant le tumulte l’assaillait. Il n’eut même pas le temps de calmer ses oreilles à cette annonce tonitruante qu’une seconde retentissait à son tour, noyant un instant le fracas assourdissant ambiant.

    – Le train en provenance de Liège aura vingt minutes de retard.

    Il savait son travail plus important que son dégoût du bruit.

    Ainsi, il réprima sa répugnance pour se diriger vers les comptoirs. Il gémit en voyant le nombre de personnes qui s’accumulait. Il remit ses cheveux noirs en arrière. Teinte qui valorisait sa peau pâle et ses yeux bleus.
    Il attendit le plus patiemment possible, vérifiant que son costume n’était pas plié et contrôlant souvent qu’on ne lui volait pas son attaché-case.

    Tant de stratagèmes pour essayer de se soustraire aux tac tac des pas. Aux cris d’enfants, aux discussions sans fin. Aux annonces. Aux boums qu’il percevait comme une explosion lorsqu’un passager prenait une cannette dans un distributeur. Et le tic tac de la trotteuse d’une vieille horloge. Tchac lance la machine lorsqu’elle crache le billet de train. Et tchouc tchouc font les touches enfoncées par les guichetiers. Les discussions se mélangent. Rien ne se dissocie au charivari.

    Il avait mal au crâne.

    Lorsque ce fut enfin son tour, il ne fut plus sûr de vouloir continuer. Prendre un de ces trains bruyants ? Il devait bien ! Ainsi, il s’avança et se pencha vers le guichetier.
    – Bonjour, j’aimerais une place pour aller à Bruxelles, informa-t-il.
    L’employé hocha la tête.

    – 8€50, annonça-t-il.

    Était-il obligé de parler si fort ?

    Il se crispa lorsque le tchac lui fut jeté au visage peu avant qu’on ne lui tende son ticket.

    – Voie 2, le prochain par dans cinq minutes.

    Oui. Le guichetier parlait horriblement très haut.

    L’homme le remercia et se força à s’y rendre. Il grimaça plus fort encore en remarquant la foule de personnes parlant et discutant. Il grinçait des dents, excédé.
    Plus le temps passait et plus il avait la sensation qu’il devenait fou.

    Il ne fut pas plus rassuré de voir son train arriver, car il survint avec fracas sur les rails. L’homme porta sa main à son front en entendant le bimtchack des portes s’ouvrant.

    Pourrait-il survivre à cette épreuve ?

    Il s’approcha d’un des compartiments mais s’empressa de s’éloigner pour laisser descendre une foule bruyante. Il patienta jusqu’à ce qu’il ne risque plus de faire subir les vagissements humains à ses tympans. Il rentra alors et se chercha un siège. Il s’en dénicha une, in extremis.
    Dans ce wagon, il n’y avait que deux places libres, la sienne et celle à côté de lui. Bien content de se l’être trouvée, l’homme se permit un soupir de joie malgré le bruit omniprésent.

    Les autres voyageurs qui discutaient avec animation.

    Les jeunes qui mettent leur musique trop fort et dont on distinguait les basses, les grésillements.

    Les badauds qui parlent au téléphone et hurlent pour se faire entendre.
    Le train démarra dans une cacophonie sourde et l’homme retint un nouveau soupir agacé. Pendant que le train roulait, l’homme continuait de percevoir le vacarme, les roues sur les rails.

    S’il pouvait seulement se comprimer les oreilles. Mais il risquait de passer pour une personne folle, ce qui l’horrifiait au moins autant que ces sons incessants !

    – Excusez moi ?

    Quelle force dans cette voix ! Les mots se perdirent dans le fracas du moteur et du métal qui s’entrechoquait.

    Il retint un soupir, trop bruyant, et s’obligea à tourner la tête.
    Mais il se figea sur place. C’était une femme, grande, peut-être un mètre quatre-vingt qui se tenait là devant lui. Elle avait la peau pâle et ses joues étaient parsemées de tache de rousseur douce et exquise. Ses longs cheveux roux ondulaient légèrement jusqu’au bas du dos. Ses yeux tendres et verts posés sur lui et son ensemble – un tailleur gris – était légèrement échancré mais pas vulgaire.

    – Vous pouvez répéter ? chuchota-t-il, rougissant un peu de honte.
    – Je peux m’asseoir ? Je cherche des places partout.
    – Bien sûr, sourit l’homme d’affaires, d’ores et déjà conquis.
    La femme sourit doucement et s’installa à côté de lui. Elle jeta un coup d’œil vers la fenêtre et eut un léger sourire avant de regarder en face d’elle. L’homme continuait de l’observer.

    Où était le tohu-bohu ? Où était le tumulte sans fin ? Les conversations inutiles mais haut-perchée ? Les cris des animaux à l’extérieur, le vroumvroum assourdissant du train ? Où était la clameur de son cœur qui l’agaçait lorsque le silence se faisait, à l’égal de tout autre son.

    L’homme ne sut pas pourquoi mais il se pencha un peu vers elle.
    – Je m’appelle Armand André.
    – Oh, enchanté, sourit la femme.
    – Le train est plein, chuchota Armand, se sentant de plus en plus bête.
    – Oui. J’ai bien cru devoir rester debout, sourit-elle. Encore heureux que vous aviez cette place.
    – Oui, murmura Armand.
    – Où allez-vous ?
    – Wavre... et vous ?
    – Moi aussi, répondit-elle avec un sourire.
    – Pour quelle raison, si je peux vous demander ?
    – Je vais voir ma sœur.
    André hocha la tête et continua de la regarder, de plus en plus conquis. Il y avait quelque chose qui se dégageait de cette belle rousse. Elle était belle, sa voix était superbe même si elle paraissait un peu haute. D’autres sensations s’échappaient, mais il n’aurait su savoir quoi exactement.
    – Moi, c’est pour le travail, informa l’homme avec un léger sourire.
    – Dans quoi travaillez-vous ?
    – Les affaires... je suis à la tête d’une firme, annonça-t-il.
    – Laquelle ?
    Pour toute réponse, Armand tira une carte de sa poche. La femme la prit. Elle jeta un nouveau coup d’œil vers la fenêtre et remarqua qu’ils arrivaient bientôt.
    – Je vois votre numéro... peut-être que je vous appellerai, sourit-elle.
    – Ce serait... parfait... en fait... je ne vous ai pas demandé votre nom...
    – Nora Disturbance.
    L’homme sourit alors que le train s’arrêtait dans la gare. Disturbance, comme Disturbence qui pouvait se traduire « bruit » de l’anglais. À croire que son destin était d’être mis en contact avec le bruit parce que c’était cette même nuisance sonore qui lui avait offert, sur un plateau, une femme pour laquelle il craquait déjà.

    © Angelscythe 2012


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  • Encore un texte écrit dans le cadre d'un concours !

    Le premier paragraphe était imposé.



     

    — Il faut absolument que je trouve cette source ! » lâcha soudain Paul.
    Bianca sursauta. Puis se renfrogna. «  Paul et ses histoires » songea-t-elle. « C’est toujours comme ça avec lui. Je croyais pourtant qu’on était parti dans la montagne pour jouer. Qu’est-ce qu’il a encore inventé ? »
    Elle était si contrariée que, sans même s’en apercevoir, elle avait ralenti le pas. Paul s’agaça :
    — Allez, grouille !
    — Il fait chaud...
    — Trois mois que ça dure, arrête de geindre !
    — T’as douze ans, toi ! Moi, huit...Et puis mes chaussures...
    Elle s’essuya le front. Ses mèches blondes se collaient les unes aux autres. Il n’eut pas un regard pour elle, préféra pointer les champs, tout au fond de la vallée grillée par la canicule :
    – Les arbres...Tous en train de crever, les pêchers, les pruniers, les poiriers, les pommiers...
    C’est seulement là, sur le mot «  pommier » que la voix de Paul s’est adoucie. Pas étonnant : Paul raffolait des pommes. A ce moment-là, il a aussi eu ce bel œil décidé et noir qui faisait que Bianca avait envie de le suivre n’importe où. Même dans ses expéditions les plus folles.
    On était bien parti pour ça, il a ajouté :
    — La source, c’est un secret, Bianca ! Mais un secret très compliqué...Ma grand-mère m’a raconté, juste avant de mourir...
    Il pointa cette fois un rocher tout en haut de la montagne :
    — Là...

    Bianca se redressa en sursaut dans son lit, la main sur le cœur. Encore ce rêve. Cela faisait déjà vingt-quatre ans, pourtant, quoi qu’elle fasse, elle ne pouvait se dépêtrer de la froideur de ce cauchemar qui revenait inlassablement presque chaque nuit. Ça faisait douze ans qu’elle s’obligeait à dormir.
    La femme, maintenant âgée de trente-deux ans, roula sur le flanc afin de regarder l’homme qui était allongé à ses côtés. Aujourd’hui encore, elle aurait souhaité que ce soit Paul qui soit à côté. Pas qu’elle n’aimait pas Zach, au contraire... c’était juste qu’ils étaient bien trop différent, Paul et lui. Jusqu’à son physique. Si son ami d’enfance avait l’iris noire charbon et des cheveux châtains en bataille, lui avait une chevelure blonde vénitienne qui paraissait toujours parfaitement peignée, comme en cet instant. Ses yeux, quant à eux, étaient d’un bleu limpide.
    Elle-même avait vu les années la changée, bien trop.
    Bianca sortit péniblement de son lit puis se rendit dans la cuisine où elle fit le petit-déjeuner pour sa petite troupe.
    Elle venait de finir de poser les boîtes de céréales ainsi que le lait sur la table lorsqu’arriva son fils aîné. Jordan, âgé de douze ans. Il avait les cheveux de son père mais ses yeux à elle : d’un vert pomme très doux. Vert pomme qui aurait probablement pu faire chavirer le cœur de Paul. Ironiquement, sa fille, Jenelle, avait huit ans. Elle, par contre, avait ses cheveux blonds mais les yeux de son père.
    - Maman, fit Jordan en se servant généreusement de céréales aux fruits, ses préférées.
    - Oui, mon chéri ? questionna Bianca avec un sourire forcé.
    Elle n’aimait pas le matin, elle ne s’était jamais habituée à ce que les réveils soient si pénibles. Ce n’était pas étonnant qu’elle n’ait jamais fini ses études puisqu’elle n’était plus jamais arrivée à l’heure depuis qu’elle avait huit ans. C’était la raison pour laquelle elle était devenue femme au foyer. L’année passée, elle avait bien essayé de revenir dans le monde du travail... cela s’était soldé par une dispute avec Zach qu’elle préférait oublier.
    - J’aimerais bien partir en expédition cette après-midi, lui dit Jordan après avoir mâchouillé une grosse cuillère à soupe de céréales.
    - Une expédition ? sourit Bianca, faisant mine d’être intéressée.
    - Michael m’a parlé d’une source secrète !
    Bianca se figea lorsqu’elle entendit l’objet de convoitise de son fils. Elle entendait encore les mots de Paul résonner à son oreille. « La source, c’est un secret. » Elle s’obligea à sourire à son fils. Rien ne lui garantissait qu’il ait les mêmes désirs que Paul. Celui-ci avait entendu parler de cette source par sa grand-mère. Elle était la seule à la connaître, selon lui, et elle avait emmené ce secret dans sa tombe.
    Après elle, seule Paul et elle avaient connu cette légende. Jamais elle n’aurait parlé de cette maudite source à qui que ce soit ! Encore moins à ses enfants.
    - Je t’écoute ? s’obligea-t-elle à dire.
    Jason trépignait d’impatience, content que sa mère l’écoute. Pas que Bianca soit une mauvaise mère, juste qu’elle était souvent... ailleurs.
    - C’est Timmy qui m’en a parlé ! Il existe une source super secrète, il faut faire plusieurs choses pour qu’elle se dévoile. Mais... il faut aller au bon endroit !
    - Quel genre de chose ?
    Jordan regarda autour de lui pour s’assurer que personne ne les surprendrait avant de sortir un papier. Bianca s’approcha, retenant difficilement son expression d’horreur. L’écriture exécrable en moins c’était la même chose qu’avait Paul. La même formule, les mêmes symboles à tracés. Même la carte y ressemblait vaguement.
    Bianca ne pouvait qu’espérer que son fils ne trouverait jamais la source si la carte était trop loin de celle qu’avait Paul à l’époque.
    - Ça à l’air très bien, mon chéri, sourit Bianca en lui caressant affectueusement les cheveux.
    - Je vais aller avec Jennelle ! On en a parlé hier, expliqua-t-il.
    Bianca essaya de conserver le sourire sur ses lèvres ce qui s’avérait de plus en plus laborieux au fur et à mesure que Jordan lui racontait sa future expédition. Jamais une mère n’aurait souhaité que l’un de ses enfants tombent malade pourtant, elle était en train de le souhaité. Jennelle ne partirait pas sans Jordan et inversement.
    Elle aurait dû se sentir honteuse de désirer cela et pourtant, elle gardait cette ferveur.
    - Tu sais cette source va offrir « richesse » et « intelligence » à quiconque en boira ! sourit Jordan.
    - Cette source ne t’apportera que le malheur, pensa amèrement sa mère.
    Elle s’obligea une nouvelle fois à sourire alors qu’elle voyait des étoiles brillés dans les yeux de son fils.
    Bianca tourna la tête lorsque Jennelle arriva. Elle avait avec elle son sac à dos qui semblait déjà bien lourd. La femme n’eut aucun mal à deviner que c’était la cadette qui était chargé des vivres, ce qui expliquait sans doute où avaient disparus deux des six bouteilles d’eau en réserve et pourquoi il manquait mystérieusement un paquet de bonbon.
    - Nous partons en expédition, dit Jennelle sur le ton du secret.
    Sa mère lui offrit un faible sourire.
    - Mais vous devrez être revenu avant midi, d’accord ?
    - D’accord ! sourit Jordan.
    Il semblait persuadé qu’ils arriveraient avant le temps imparti alors que Bianca pensait l’inverse. On ne pouvait même pas lui reprocher d’avoir posé cette condition. Il était normal de vouloir avoir ses enfants pour le repas de midi avec elle.
    Elle les regarda manger, sans même toucher à son café, sans lait mais avec un sucre de canne. Elle espérait encore trouver une excuse quelconque, afin de prendre encore moins de risque.
    Zach arriva dans la pièce. Il embrassa les fronts de ses enfants puis vola un baiser à sa femme. Il s’assit puis tartina son toast de confiture.
    - Les enfants ont prévus de partir en expédition, prévint Bianca.
    - Comme c’est judicieux, sourit Zach. Vous allez battre des dragons ? rit-il.
    Bianca retint un soupir. Paul avait toujours des idées saugrenues mais il aurait approuvé que leurs enfants vagabondent. Peut-être même les aurait-il accompagnés en faisant semblant d’être un sorcier pour les guider. Zach rabaissait fréquemment l’imagination de leurs enfants. Pourtant, Bianca préférait les savoir dehors plutôt qu’à s’abrutir devant la télévision.
    Enfin, habituellement.
    Cette source ne la rassurait vraiment pas.
    - Non. Il n’existe pas de dragons, papa. Enfin pas vraiment, parce que le dragon de komodo...
    Jordan fit la moue, voyant que son père ne l’écoutait déjà plus. Bianca fit un faible sourire à ses enfants.
    - Filez, dit-elle à contrecœur.
    Elle attendit que ses enfants ait fini d’engloutir leur repas puis se soient éclipsés avant de se tourner vers son mari. Celui-ci mangeait son second toast, au chocolat cette fois-ci.
    - Je vais sortir, prévint-elle.
    - Où ça ?
    - Dehors, ce ne sont pas tes affaires. Tu dois avoir l’un ou l’autre match de football à voir, lança-t-elle, agressivement.
    Zach se leva, les yeux plissé. Bianca lui fit un faible sourire, presque sournois, avant de se détourner. Elle sortit par la porte qu’il y avait dans la cuisine. Des fois, elle se demandait pourquoi elle avait accepté d’épouser Zach. Il était beau certes mais il n’avait pas d’autres qualités pour lui. Plus le temps passait, plus elle regrettait.
    Bianca jeta un œil par-dessus son épaule pour s’assurer que son mari ne suivait pas, puis elle partit. Les enfants ne connaissaient pas le lieu, mais elle bien. Elle s’y rendait encore une fois par mois. Elle savait comment y aller vite et bien.
    Il y avait une chose qu’elle n’avait jamais fait qu’elle se devait d’accomplir avant qu’il ne soit trop tard.
    Bianca se mit alors en marche le long d’un sentier caché par les haies et autres brousses. En cette période de l’année, la végétation était particulièrement fleurie. Si Jordan et Jennelle pouvait prendre le temps de profiter, ce n’était pas son cas. Elle avançait en regardant devant elle pour pouvoir éviter les branches ou les cailloux.
    Après une demi-heure de marche, elle fut obligée de s’arrêter. Elle portait des chaussures à talons qui la faisaient souffrir, n’étant pas adapté à ce genre de chose. Elle ôta alors ses souliers qu’elle laissa dans un coin. Elle viendrait sans doute les rechercher au retour.
    Elle continua son chemin, se repérant avec le vieil arbre mort depuis trente ans, ou le petit lac qui était caché par de très hautes herbes.
    Au bout d’une interminable nouvelle demi-heure de marche, Bianca arriva au bout milieu d’un verger. Les pommiers laissaient voir une merveilleuse flopée de fruit mur. Elle en détacha une, bien verte, puis se dirigea vers une zone entre deux marronniers. Elle poussa les cosses dures et s’agenouilla avant de poser la pomme, là.
    Bianca se redressa ensuite puis vint jusqu’à la source. Elle était facile à trouver lorsqu’on savait où elle était. Il s’agissait d’une eau claire qui s’écoulait d’entre plusieurs rochers et venait dans cette cuve naturelle où la terre s’abreuvait lentement de l’eau.
    Le liquide n’avait rien de magique. A vrai dire, l’eau était particulièrement bonne, très pure et très claire. Si un investisseur avait trouvé cette source, il aurait pu trouver un endroit où le flot était plus grand et exploitable. S’il l’avait mise en bouteille, là, il aurait pu faire fortune.
    Bianca s’avança vers les pierres et entreprit de les bouger jusqu’à boucher l’écoulement de l’eau. Les pierres étaient très glissantes, couvertes de mousse. L’une était un peu rouge. Bianca eut la nausée mais elle s’obligea à la bouger, surtout qu’elle avait la taille idéale pour cesser le flot.
    La source gargouilla un peu, faisant glisser encore un peu de liquide. Enfin, il ne resta que quelques gouttes éparses puis cela cessa enfin.
    Bianca se tourna vers la zone entre les deux marronniers.
    - Ça ne doit pas te faire très plaisir. Mais ça y est... c’est fini...

    - Là...
    Paul s’était empressé de grimper la « montagne » qui n’était que le nom de cette colline emplie d’arbres. Il était, fou de joie, arrivé le premier en ce lieu. Il avait prit une branche de pommier pour s’enivrer de cette odeur avant de courir vers la source.
    Péniblement, Bianca l’avait rejoint. Elle était fatiguée. Elle courut toutefois jusqu’à Paul. Celui-ci était si content de leur trouvaille qu’il bondit sur les pierres et entreprit de faire une petite danse.
    Mais les pierres étaient mousseuses et glissantes.
    Il poussa un petit cri heureux.
    Bianca hurla de toute la force de ses poumons.
    Elle vit clairement Paul tomber. Il se tapa violemment la tête contre une pierre, le regard inerte, rivé vers une pauvre gamine de huit ans.
    - P... Paul...
    Elle n’eut aucune réponse.
    Un liquide rouge s’écoulait, se mêlant à la source qui perdit instantanément toute sa richesse et son goût. Quiconque aurait su que la mort avait sévi en cette source aurait perdu l’envie d’y boire quoi que ce soit.

    Bianca eut un pâle sourire en regardant la tombe de fortune. Un corps enseveli sous la terre qui s’était avéré très dur à creuser, qui lui avait fait saigner les mains, et une simple pierre qui servait de pierre tombale.
    La femme se tourna lorsqu’elle entendit les rires de ses enfants. Elle s’empressa de se cacher derrière le pommier.
    Bientôt Jordan et Jennelle arrivèrent, chacun portant une bouteille d’eau. Ils étaient fatigués, ayant probablement couru à certains moment pour arriver si vite.
    - C’est ici ? demanda Jennelle.
    - Oui. Mais... il n’y a pas de source.
    - Michael a menti, soupira-t-elle.
    - Désolé. Mais on s’est bien amusé ! Vient, on va raconter tout ça à maman !
    Jennelle opina fébrilement. Jordan jeta un regard autour d’eux avant de repartir, sa sœur sur ses talons.
    Bianca soupira lorsqu’ils furent éloignés. Elle revint dans la grande place avec un léger sourire.
    Elle avait fait son deuil aujourd’hui. Elle n’aurait plus jamais la crainte que quelqu’un meure de la même façon que Paul. Peut-être qu’elle pourrait même cesser de perdre son temps avec cette homme qu’elle n’avait jamais aimé. Elle ne serait plus obligée de se complaire avec Zach par peur de ne cesser de penser à Paul.
    Elle devait se résoudre au fait qu’elle ne pourrait jamais l’oublier. Par contre, elle pourrait oublier sa mort.

    © Angelscythe 2014

     

     


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  • Écrit le 5 mai 2015

    La chasse au trésor de Raphaelle AdamLa chasse au trésor n'est pas une seule histoire mais trois en une. Découvrez le passer des protagonistes en même tant que leur retrouvailles qui fera ressurgir l'horreur de ce fameux passés. Découvrez également le temps de l'esclavage dans le Bayou de la Louisiane et un amour impossible...

    J'ai déjà lu quatre à cinq fois ce livre et je ne m'en lasse toujours pas ! Même en sachant la fin qui vaut le détour. Les personnages de l'auteur sont attachants sans être envahissant. Sous le couvert d'un thème "la chasse au trésor" on est entraîné de déboire en déboire. Les sentiments y sont très forts et l'histoire nous tient indéniablement en haleine. Je ne ferais comme reproche que la mise en page étrange avec des doubles sauts à la ligne sans trop de raison...

    Je conseille vivement cet ouvrage à tout ce qui aiment les thrillers, les histoires d'amour et les sensations fortes.


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  • Écrit le 10/05/2015

     

    Stupeur et Tremblements de Amélie NothombJe vais sans doute fâcher avec cette critique. Mais, pour moi, ce livre est de loin le pire de Amélie Nothomb. Elle souhaiterait qu'on la plaigne ? Moi je n'ai que du mépris pour elle au travers de ce livre. Je ne saurais pas que c'est une auto-biographie, je me demanderais comment on peut faire un personnage aussi odieux.

    Amélie Nothomb n'est pas à plaindre. Tous ses déboires, elle les provoque. Elle fait des pitreries au sein d'une entreprise japonaise et, elle qui aime tant le pays, ne s'en rend donc pas compte que c'est un affront à la nation ? Elle agit comme une idiote dans l'espoir qu'on laisse couler puis vient pleurer qu'on la prend pour une incapable. Pire, elle nous montre qu'elle a un orgueil haut-placé. Que ce soit lorsqu'elle dit vouloir être Dieu, lorsqu'on la descend plus bas que Terre et qu'elle persiste à se prendre pour une idyllique personne ou à la fin quand elle espère qu'on lui dise qu'elle n'est pas en faute.

    Moi, j'éprouve de l'antipathie pour cette auteur. Renforcée encore par la lecture de ce livre qui devrait la faire passé pour une victime...


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