• La loi de Nietzsche P1 : Chapitre 5

    Chapitre 5 : Trotteuse.

     

                Amator était attablé, un verre d’alcool dans la main. Le liquide blanc tremblait sous ses mouvements. Il attendait, la gorge sèche. Il ne pouvait rien faire d’autre qu’attendre.

                Il porta un regard à Bouledesuie qui se baladait dans la maison en toute insouciance. Comment il aurait pu en être autrement ? Après tout, il n’avait pas conscience de ce qu’il se passait. Pas conscience qu’Aurea couchait Senka dans son lit. Pour la première fois, elle ne serait pas avec son jumeau.

                Pire.

                Ils ne savaient même pas encore quand Itzal pourrait être mis dans le lit avec elle. Est-ce que ça arriverait seulement un jour ?

                Aurea revint dans la cuisine. Elle se saisit d’un verre qu’elle remplit du même liquide blanc. Quelques amas se détachent. Comme si le liquide était caillé. Mais elle s’assit et but de grandes gorgées de ce breuvage.

                Amator alluma sa cigarette, tira une longue bouffée puis il se saisit de la main de sa femme. Il posa un baiser humide sur sa peau grise.

    - Cela ne servira à rien, Amator…

    - Je sais… Je pourrais au moins te remonter un peu le moral.

    - Non ! Si Maurus avait fait preuve de moins de pagnoterie ! Cria Aurea.

    - Je sais, ma belle, je sais.

                Il lui serra un peu plus tendrement la main.

    - Nous allons faire ce qu’il faut. Nous allons récupérer notre fils.

    - J’en ai tout autant envie que toi. Mais comment veux-tu qu’on fasse ?! Ils ont cette noiva ! Elle est si grande, si imposante ! Que veux-tu qu’on fasse ?! S’époumona la femme, en larme.

    - Nous allons voir le Maire. Il trouvera les mesures à prendre.

    - Pourquoi sont-ils venus ici ?! Pourquoi nous font-ils ça ?! Pleura Aurea.

                Amator lui caressa encore la main, impuissant. Il aurait tant aimé pouvoir chasser la peur et le dégoût. Mais il en ressentait un pareil. Il savait qu’aider sa femme ne ferait qu’attiser leur propre hargne.

                Après tout, on leur avait dérobé leur fils.

     

                Ivan était allongé dans son lit, les lunettes posées sur la table de chevet en métal juste à côté de lui. Il dormait, serré contre Itzal qui partageait son lit. La nuit avait été douce. Peu agitée.

                La navette était totalement bouchée de telle sorte qu’ils n’auraient su savoir quel heure il était. Mais, de toute façon, avec cette atmosphère étonnante, ils n’auraient su le savoir en jetant un œil à l’extérieur.

                Ce fut le réveil qui s’en chargea alors. Sonnant ce qui devait correspondre à huit heures sur Moscou.

                Ivan grommela et se tourna dans le lit. Il voulut éteindre le réveil mais il se figea, les yeux grands ouverts.

     

                Lónan ferma la porte derrière Aurea. Elle avait les poings serrés. L’un dans sa poche, l’autre sur la bretelle de son sac. Elle essayait de respirer correctement. C’était particulièrement difficile. Son visage était tordu par l’énervement.

    - Tu es très préoccupée, semble-t-il. Installe-toi.

                Aurea s’approcha de la chaise, mais elle ne prit pas place. Elle baissa la tête.

    - Maurus est allé chercher mes enfants…

    - C’est une bonne chose, n’est-il pas ? Sourit le Maire en prenant place.

    - Ce n’est pas cela…

                L’homme sourit plus gentiment encore. Taegor était une belle ville mais assez petite. Il n’était pas rare que tout le monde connaisse tout le monde. Les liens se faisaient aisément, ou que ce soit, sur Erret. Sans doute parce que cette planète était si anormale que personne ne pouvait entrer dans la norme. Et si tout le monde était si foncièrement différent l’un de l’autre, même les conflits se stoppaient bien vite.

                Que ce soit ceux de couleur, entre le gris, les verts, les roses, bleus ou même orange. Que ce soit à cause du train de vie ou encore de quelques problèmes dû aux dégâts des animaux.

                Ils étaient tous liés par la mort qui planait constamment au-dessus de leur tête.

    - Finalement, tu ne te plais plus avec Amator ? On pensait tous que tu te mettrais en couple avec Maurus. Rit-il.

                Aurea rit nerveusement. Mais ses rires devinrent froids.

    - Saperlipopette, mais que t’arrive-t-il ?!

    - À cause de Maurus, mon fils a été mené dans cette gigantesque noiva !! Hurla Aurea.

    - Qu…

    - Je veux qu’on fasse quelque chose ! Je veux qu’on le récupère !

                La femme avait perdu toute logique. Seul l’instinct maternel parlait encore. L’instinct qui la poussait à vouloir protéger son fils au prix de tout. De son mari, de ses amis, de sa vie ou même de sa santé mentale.

    - N… nous allons faire… ce qui est en notre pouvoir. Je vais voir… quel genre d’atout nous pouvons lever… Ce sera fait… dès que possible.

                Il afficha un sourire nerveux, auquel personne ne pouvait croire. Il se saisit d’un dossier jaune, les muscles tendus au summum. Aurea prit enfin place sur la chaise. Espérant qu’ils trouveraient la solution miracle.

     

                Maurus était assis sur une chaise, non loin d’une pile de livre. Au sommet de cette dernière se tenait un ouvrage nommé Comment guérir votre bitrochosophobie !

                L’apothicaire écrivait une lettre, la respiration courte. Un silence presque religieux stagnait dans la pièce. Il n’osait le briser, à l’instar de tous les petits animaux qui pourraient vivre en ces lieux. Que ce soit les insectes dans la maison ou ceux qui rodaient autour.

                Il apposa le point final de sa lettre avec un beau :

    « Excuse-moi, Poupée.

    Je t’aime.

    Maurus. »

                Il se leva, mit la lettre en évidence puis se saisit d’une corde. Il la jeta sur son lustre et fit avec soin un nœud de la taille de sa tête. Il la passa autour de son cou et grimpa sur la pile de livre. Laquelle vacilla peu après qu’il y ait posé le pied.

     

                Antonina et Ivan discutaient dans les couloirs de la navette. Ils n’aimaient pas rester dedans mais ils étaient des scientifiques astronomiques. Il savait qu’ils pouvaient se retrouver dans de nouveaux cocons adoptifs à longueur de temps. La navette était peut-être l’endroit le plus préférable de tous.

                Au moins, ils avaient la certitude d’être bien installé, d’être dans un lieu familier et de pouvoir être avec leur petit Ivan. Vivre leur rêve était une chose merveilleuse, bien sûr, mais leur petite famille en était une autrement plus prodigieuse.

    - Maman, maman, maman !

    - Ivan ? S’étonna Antonina.

                Elle se tourna vers le couloir qui devait mener aux chambres. Elle vit son fils courir vers elle. Sans ses lunettes. Elle courut vers lui et le prit dans ses bras. Ivan Senior prit son arme de service dans sa poche. Sur cette planète inconnue, ils en avaient tous. Des revolvers munis de balles.

    - Qu’a-t-il fait ?! Demanda-t-il, craignant une attaque de cet autochtone.

                Qu’elle aidée d’avoir laissé leur fils dormir avec cette abomination dont ils ne connaissaient rien ?!

    - Maman… je vois.

    - Tu… vois ? Répéta Antonina.

    - Ma vue n’est pas brouillée maman ! Je vois ! S’extasia le jeune Ivan.

    - C’est impossible… Chuchota son père.

     


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