• La loi de Nietzsche P1 : Chapitre 9

    Chapitre 9 : Être humain

     

    - Où est Itzal ?

                Aurea manqua de fondre en larmes lorsqu’elle entendit cette question qu’on lui posait trop souvent. Elle posa un baiser sur le front de sa fille, l’aida à bien s’installer sur l’oreiller puis elle quitta la chambre. Elle regagna la cuisine, où Boule de suie mangeait son plat dans sa gamelle, se laissa tomber sur une chaise et, enfin, laissa la tristesse l’envahir.

                Amator, qui se tenait non loin de là, se hâta de rejoindre sa femme pour la prendre dans ses bras avec tendresse. Il lui caressa les cheveux et embrassa son front.

    - Ça va aller ma chérie.

    - Ça va aller ?! Itzal n’est plus là ! Suis-je la seule à m’être rendue compte qu’il n’était plus là ?!

    - Non, je sais qu’il n’est plus là. Mais nous allons finir par le retrouver. C’est déjà arrivé plus d’une fois. Tu connais ces histoires d’enfants kidnappés.

    - Mais ont-ils été kidnappés dans des noivas si étranges ! Il n’est pas partit vers les lignes de noiva ! Mais vers l’espace ! L’as-tu vu ? Siffla-t-elle.

    - Non… je n’étais pas là. Avoua son mari.

                Il prit une cigarette dans sa poche et il l’alluma nerveusement. Il tira une longue bouffée.

    - Un mois que nous n’avons plus de nouvelles de Maurus non plus. Releva-t-il en prenant place au côté de sa femme.

    - Cet abruti ?! Siffla-t-elle. C’est de sa faute si Itzal a été enlevé et il n’a même plus donné signe de vie depuis un mois ! UN MOIS !

    - Je sais, ma chérie… Je vais aller voir ce qu’il en est… Immédiatement. Cela te convient-il ?

                Elle opina faiblement. L’homme sourit et posa un baiser sur son front avant de s’éloigner vers la porte. Il prit son manteau, l’enfila, lança un dernier regard à sa belle puis sortit de la maison. Dans ce vent frais nocturne, Amator s’empressa de regagner la maison de Maurus. L’avantage qu’ils soient voisins était qu’il ne devait pas aller trop loin.

                Il sonna à la porte et attendit qu’il vienne lui ouvrir. Même en conflits, jamais l’apothicaire ne l’avait laissé dehors. Il s’était toujours montré très accueillant. Et ce même s’il lui avait pris la femme de sa vie. C’était peut-être une des raisons qui poussait Amator à vouloir que leur ami redevienne ce qu’il était. Il avait toujours été dans l’ombre, veillant sur eux en attendant son heure, mais pas d’une façon inquiétante, tout du contraire. Même si, à la base, Amator était sorti avec Aurea pour les mauvaises raisons, ils n’en seraient pas là sans lui.

                L’homme lui était reconnaissant pour ça.

                Un vent frais s’éleva faisant claquer les pans du manteau d’Amator. Il soupira et sonna encore en tirant une bouffée. Que faisait Maurus ? Il n’était tout de même pas en droit de leur en vouloir, lui.

                N’ayant toujours pas de réponse, Amator prit sa clé et il rentra dans la maison. Il ferma derrière lui et alluma la lumière. Il n’y avait que la pénombre. À cette heure, il était possible que l’apothicaire dorme mais c’était tout de même rare.

    - Maurus ?! Appela-t-il.

                Aucune réponse.

                Il entendit par contre le bruit de l’uae qui coulait depuis un robinet. Il se rendit dans la cuisine et coupa l’arrivée, empêchant le liquide noir de s’échapper des canalisant. Un éclair vert traversa l’air accompagné d’un bruit assourdissant. Amator serra les dents : Il allait pleuvoir.

                Un autre éclair frappa le sol, éclairant le salon. L’homme lâcha sa cigarette en voyant un corps suspendu dans le vide.

     

                Assis à son bureau, Itzal avait les yeux rivés sur la fenêtre, tenant entre ses doigts le bout de carbone qu’il avait libéré du crayon gris que lui avait offert Vladimir. Le jeune garçon supposait que son tuteur le prenait vraiment pour un somptueux cadeau alors que sur sa planète, il y en avait partout. Mais Itzal n’avait pas voulu vexer le vieil homme.

    - Itzal !!

                L’alien se leva de sa chaise et il s’empressa de rejoindre l’homme en bas des escaliers. Celui-ci s’obligea à afficher un sourire pour avoir l’air plus gentil. Itzal avait vite remarqué que l’homme faisait souvent ça. Mais il trouvait son sourire encore plus inquiétant.

    - Viens, je dois aller à l’hôpital. Ce sera ta première vraie sortie ! Encouragea-t-il.

    - Sortir ? Répéta Itzal dans sa langue natale. On ne peut pas, il pleut.

                L’homme fronça les sourcils avant de se saisir de lui par le poignet. Il ouvrit la porte et l’entraîna à l’extérieur. Le garçon poussa un cri, effrayé. Il ferma les yeux alors que la pluie s’abattait sur eux. Il tremblotait sur place, s’attendant à souffrir comme on le racontait toujours. Il eut une pensée pour sa mère, son père et sa sœur.

    - Itzal, viens. Dit l’homme en l’attirant à sa suite.

                Le garçonnet rouvrit les yeux et il leva la main. À sa grande surprise, il ne se passa rien. Il était juste mouillé. Certes, puisqu’il pleuvait averse, son t-shirt lui collait à la peau mais rien de foncièrement désagréable.

                La bouche entrouverte, il suivit son tuteur. Lequel l’entraîna à sa suite vers l’hôpital désigné plus tôt. Intrigué, Itzal regardait partout. Il s’émerveillait toujours de voir ses nuages blancs, et pas roses, ou ses herbes d’un beau vert au lieu de leur rougeur habituelle. Il était toujours déçu, par contre, de ne pas trouver un seul champignon. Lui qui les aimaient tant.

                Ils passèrent devant une boutique d’antiquaire qui vendait un magnifique mp3 « comme neuf » turquoise. Le garçon continua de regarder partout, intéressé. Ils finirent bientôt par arriver devant l’hôpital qui était noté « Laïque » par une grande plaque en lettres dorées.

                Ils rentrèrent dans l’endroit où un homme d’entretien se tenait, souriant à tout le monde. Il fourbit à nouveau le sol de sa serpillière lorsqu’ils furent passés. Un système de baffle diffusant Made in Normanie en boucle et à tue-tête. Au troisième millénaire, cette chanson était devenue plus que populaire.

                Vladimir partit vers le secrétariat et il s’adressa à une jeune femme avant d’entraîner l’enfant à sa suite dans les couloirs blancs. Itzal regardait partout autour de lui, se sentant étrangement bien.

                Ils arrivèrent bientôt dans un grand couloir où l’homme fit s’asseoir l’enfant. Il discuta avec une nouvelle secrétaire. Celle-ci regarda derrière lui et sourit.

    - Est-ce lui ? L’extra-terrestre.

    - Oui, c’est Itzal, mon pupille.

    - Puis-je aller lui parler ?

    - N’avez-vous pas un travail à faire ? Comme m’introduire auprès de Dimitri Sergeïvitch ?

    - Oui, pardon.

                La femme baissa la tête puis entraîna l’homme avec elle dans une pièce attenante. Elle resta absente moins de deux minutes avant de revenir. Elle prit quelque chose sur le comptoir puis se pencha vers Itzal qui regardait le sol.

    - Bonjour ?

                Le garçon redressa la tête. Il sourit à la femme qui lui tendit une sucette rouge.

    - C’est pour toi.

    - Merci. Dit-il, dans sa propre langue.

                La femme en fut troublée, ne comprenant pas ce mot. Mais elle lui donna tout de même la friandise avant de retourner derrière son comptoir. Elle ne pouvait s’empêcher de le regarder, fasciné.

                Une petite fille, toute chauve, sortit de sa chambre et elle s’avança vers Itzal qui ouvrait la sucette. Elle le regarda de ses grands yeux et sourit. Elle l’avait vu à la télévision.

                Itzal tourna la tête vers elle. Il sourit et il lui donna la friandise. Celle-ci s’en empara, les yeux brillants. Le garçon lui prit le poignet. Sur son front, un losange rouge se mit à briller d’une douce lueur.

     

                Dans la salle, Vladimir attendait, frottant ses mains. Le médecin regardait les feuilles qu’il y avait sur le bureau. Il se frotta la barbe puis releva les yeux vers son patient.

    - C’est surprenant.

    - Quoi donc ? S’enquit Vladimir.

                Il ne faisait que se douter des mots qui viendraient mais il en était presque sûr. Restait à attendre la confirmation. Des mots plus magnifiques que n’importe quel « je t’aime ». Des mots bien plus excitants que n’importe desquelles prostituées qu’il aurait pu s’offrir.

    - Votre cancer… n’est plus.


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