• Vindicte : Chapitre 11 : Loup

    11

    Loup

    Hunter était au travail, rangeant de nombreux document comme d'habitude. Il était un peu fatigué parce qu'il n'avait plus vraiment dormi depuis vendredi soir. Il n'avait pas été capable d'avoir plus de quelques heures de sommeil qui s'étaient vues bouleversées par les cauchemars. Endroits affreux où résonnaient les cris de ses victimes et où le sang coulait à flot comme si ça n'avait jamais été que de l'eau et non un quelconque liquide de vie.

    Surtout qu'il n'avait pas revu la merveilleuse apparition depuis vendredi dans la voiture. Il était triste et déçu. Mais surtout inquiet. Lui était-il arrivé quelque chose ?

    De surcroît, il s'en voulait. Parce que la seule chose qu'il pouvait encore faire, c'était rester là, faisant le travail que l'ingénu lui avait demandé d'accepter. Il devait en être à son millionième tri de feuille. Tous les dossiers étaient parfaitement rangés. La plupart avaient été mis dans le nouveau bureau. Il n'y avait presque plus rien ici. Bientôt, il n'aurait plus rien à faire… Il ne savait toujours pas pourquoi Dieu avait souhaité qu'il vienne ici. Il n'avait rien trouvé qui puisse aider l'ingénu. Rien.

    Il prit une caisse de feuille puis descendit pour aller les entreposer là où il les mettait tous. Revenant du sous-sol il croisa Alejandro dont il détestait le regard. Cet homme qui le fixait si souvent, trop souvent [S1] à son goût.

    - J'ai presque fini m'sieur… plus qu'une dizaine de dossiers. Dit-il, un sourire crispé aux lèvres.

    - Parfait. Je suis fier de toi.

    Hunter lui sourit. Il le contourna pour retourner à son travail et s'éloigner au possible de son employeur. L'homme le prit par l'épaule, l'empêchant de s'éloigner.

    - Oui ? Souffla le petit malade.

    Il glissa sa main dans son jeans, par instinct. Effrayé à l'idée de ce que pourrait faire cet homme, il entoura son arme de ses doigts. Il se sentait bien plus rassuré de la sorte. Il voulait se convaincre que rien ne lui arriverait, vu qu'il était un envoyé de Dieu. Mais il savait la stupidité de ses pensées : il n'aurait pas constamment une arme sur lui s'il pensait vraiment être intouchable.

    - Je te trouve très mignon. Chuchota Hawkins.

    Hunter déglutit difficilement. Alejandro passa son bras autour de son corps et sa main glissa vers son fessier. Les muscles de l'adolescent étaient figés. Ses jambes refusaient d'écouter ses ordres. Il sentait la panique le gagner. Il était incapable de bouger. La seule chose qu'il pouvait faire c'était laisser les larmes s'agglutiner dans ses yeux. Il avait la lame dans sa main. Un seul coup bien placé et il pouvait tuer son employeur. Pourtant, ses doigts refusaient d'agir.

    - C'est bien, tu te laisses faire… Ce n'est pas étonnant vu ce que je te paie. Rit l'homme.

    Le malade sentait ses pensées s'embrouiller. Habituellement, il se serait dit « c'est pour ça qu'on ne l'inculpe pas, l'argent. », maintenant, il se disait « Pitié, ne me touche pas. ».

    Il sentit ses larmes sur le bout de ses yeux lorsque les mains glissèrent sous son t-shirt. Les doigts l'effleuraient, le palpait. Il sentait une nausée impitoyable remonter dans sa gorge. Il avait cru que toutes ses horreurs n'auraient plus lieu à l'instant où il avait fait confiance à Camile.

    Il aurait juré que plus jamais une main ne viendrait palper son fessier comme en cet instant précis. Les larmes roulèrent sur ses joues alors qu'il appelait mentalement sa « mère ». Comment pourrait-il seulement savoir le supplice auquel on le confrontait ? La perversité, les souvenirs, la peur, la nausée…

    Il rassembla tout son courage pour pousser un cri. Un seul.

    Le poing d'Hawkins le fit taire et l'envoya au sol. Comme il aurait voulu pouvoir avoir mal pour oublier ce qui allait arriver. Que la douleur vocalise toute son attention et lui fasse oublier les horreurs qui avaient existés, celles qui allaient naître.

    µµµ

    Un loup était allongé sur le sol, la tête sur les pattes, blessées. Il lui manquait des poils à quelques endroits. Sa peau était presque sur ses os. Il lui manquait peut-être même un de ses crocs. Malheureusement, il n'était pas le seul dans cet enfer. En face de lui, il y avait un crocodile qui n'avait même pas assez d'eau pour se baigner.

    Un hurlement pourfendit l'air. L'animal se redressa d'un bond, les oreilles aux aguets. Il les agita, cherchant la source du bruit. Malheureusement, elle se termina avant qu'il ne puisse l'identifier correctement.

    Le loup s'assit et ferma les yeux. Sa respiration se calma.

    Une silhouette humaine apparut de l'autre côté des cages. D'abord incertaine, elle prit petit à petit son aspect. Gracile, douce, innocente. Des cheveux gris comme son pelage, des yeux aussi gris que ses belles prunelles. Le loup tomba sur le sol, s'ouvrant le flanc sur une pierre qui n'avait rien à faire là, alors que « Dieu » courait jusqu'à la clé.

    Il ferma ses doigts dessus et il ouvrit la porte de la cave. Il lança un regard au fond du couloir. Sa gorge se serra. Il s'empressa d'aller ouvrir la cage où était captif l'animal.

    Où il était captif.

    Il tomba sur le sol, haletant. Son maigre torse s'abaissait et se soulevait. L'ingénu posa son nez contre le museau de la bête. Il s'évapora lentement, laissant tomber la clé sur le sol. Il prit alors l'exacte même forme que la bête. Sa Vraie forme. Il grogna puis détala vers la porte qui venait d'être ouverte.

    µµµ

    Le corps d'Alejandro chevauchait celui de Hunter, déjà à moitié nu. L'adolescent ne bougeait plus, en larmes. Même s'il aurait encore eu la volonté, le corps l'écrasait bien trop.

    Il entendit alors un grognement animal.

    Il sentit l'espoir revenir en lui lorsqu'il reconnu ce bruit familier. Il se redressa comme il put, toujours comprimé par la masse de graisse. Il allait réussir à dégager un de ses bras lorsqu'il vit des dents se fermer sur la gorge palpitante d'Alejandro. L'homme n'eut pas le temps de crier. Déjà du sang sortait de ses chairs noyant ses cris dans un gargouillis immonde. À chaque fois qu'il essayait de prononcer un mot, une substance rouge tombait sur le visage de Hunter.

    L'adolescent chercha encore à bouger. Malheureusement, son corps le priva à nouveau de tout mouvement.

    La bête relâcha sa victime pour l'attraper autrement dans ses crocs. Elle jeta la masse agonisante au sol. L'animal le tira un peu en arrière pour l'abandonner dans un coin.

    Le petit malade se redressa difficilement, tremblant. Là, devant lui se trouvait son loup. Son Clairsemé. Il pouvait reconnaître son pelage soyeux, ses prunelles si singulières.

    Et là, sous ses yeux, le loup ferma les yeux pour laisser une apparence humaine prendre sa place.

    - T… Tu…

    - Bonjour… Chuchota l'ingénu, les joues toutes rouges.

    - Que…

    - De la projection astrale… je… j'avais besoin que tu m'aides… tu voulais… me retrouver et… moi, je pouvais t'aider… je ne peux pas…

    Il tomba à genou. Hunter retrouva tout à coup toute utilisation de son corps. Il se précipita auprès de lui, surpris.

    - Je ne peux pas rester près de mon corps. Ça m'épuise, ça me… je… Li… libère…

    - Où es-tu ?! S'écria Hunter.

    - Je…

    Le corps disparu comme il l'avait déjà fait la première fois qu'il était venu ici. Hunter jeta un regard vers le corps d'Alejandro. Il le fixait de ses yeux où la vie résidait encore, faiblement. Hunter lui lança un regard dédaigneux avant de chercher où pouvait être Clairsemé !

    Il avait déjà entendu des bruits animaux. Mais par où exactement ? Il remarqua le sang sur le sol. Il avait la forme de pattes de canidé. Peut-être de loup !

    Son loup. Dieu était son loup. Dieu s'appelait Clairsemé. Dieu n'était pas un dieu. Mais il l'avait sauvé. Au péril de sa propre vie vu son état blême quand il avait disparu. Il avait fait tout ça pour son loup et il devait aller jusqu'au bout. Projection astrale… ça lui semblait si étrange.

    Il suivit les marques sanguines qui s'arrêtèrent au niveau de la cave. Il serra les dents et commença à inspecter le lieu avec grand soin. Il fallait qu'il trouve le mécanisme qui menait à la salle d'où venaient les plaintes animales.

    Il savait qu'il s'agissait d'un quelconque mécanisme parce qu'il avait déjà passé en revue chaque recoin de la maison sans jamais trouvé son loup.

    Son téléphone sonna. Il fronça les sourcils et décrocha.

    - Hunter ?

    - 'Man ? S'étonna l'interpellé alors qu'il trouvait une porte dans le mur.

    Elle était légèrement levée, comme une herse. Suffisante pour qu'un animal y passe. Ou quelqu'un de très petit, à quatre pattes. Il se mit ainsi et passa dans un couloir fait de pierre au mur et sur le sol.

    - Il commence à faire tard mon chéri, tu es où ? Demanda la voix de Camille d'où des accents de peurs se faisaient entendre.

    - Maman… j'ai besoin de ton aide… Est-ce que tu peux venir à mon travail ?

    - Qu'est-ce qu'il se passe ?

    - Quand papa est… j'ai recueilli un loup… mais on me l'a pris y a un peut plus d'un mois. J'ai tout fait pour le retrouver et là… je l'ai retrouvé… il… il faut que tu m'aides, s'il te plaît.

    Camile n'aimait pas le ton effrayé de son enfant. Il refusait de le laisser seul quelque soit la situation annexe. Il ne voulait pas savoir pourquoi Hunter avait un loup. Ni qu'il l'avait retrouvé chez son employeur.

    Tout ça… ça viendrait après, lorsqu'ils seraient à la maison. Là, il serait temps qu'il pose des questions.

    - Je… je vais venir. Souffla Walgreave, tendu.

    Son fils raccrocha. Il passa la porte qui venait d'être ouverte. Il se sentit mal dans cette odeur pestilentielle avec toutes ses créatures exotiques qui le fixaient. Regardant à droite et à gauche, il fixa la zone jusqu'à trouver enfin un loup.

    Son loup.

    - Clairsemé ! S'écria-t-il.

    La créature leva difficilement ses yeux gris vers lui.

    - Maman arrive.

    Il s'empressa de courir jusqu'à lui. L'animal se leva péniblement et ne fit que deux pas avant de retomber. Junior le rattrapa. Il retira son haut et l'utilisa pour comprimer la plaie sur son flanc.

    - Tu aurais dû me prévenir tout de suite. Soupira-t-il.

    Clairsemé ne semblait pas si sous-alimenté comparé aux autres animaux. Quant à ses deux plaies, elles avaient été soignées. Il prit le loup dans ses bras et il sortit difficilement de cette cave. L'animal était aussi lourd que sa forme humaine. Il n'était plus aussi surpris tout à coup.

    Le petit malade sortit de la maison en repassant par le salon. Il savait ce que les gros titres annonceraient demain. Un milliardaire tué par son animal sauvage qui s'était enfui.

    Hunter sortit et il emmena Clairsemé jusqu'au bord de la route. Il dut attendre cinq minutes entières avant que Camile ne se gare finalement. Il ouvrit la portière et contourna sa voiture pour venir auprès de son fils.

    - C'était vrai…

    L'orange hocha la tête.

    - Je n'aime pas te mentir, maman.

    - Merci…

    Camile n'aimait pas le sang sur le visage de son enfant. Il ignorait si c'était celui de son fils ou celui d'un autre. Il sortit son téléphone pour appeler la police. L'adolescent serra les dents mais le laissa faire, la gorge tout à coup encombrée.

    - Bonjour ? Je m'appelle Camile Walgreave, je viens d'aller rechercher mon fils chez son employeur. Celui-ci est mort. Il a visiblement été attaqué par une bête sauvage… Alejandro Hawkins. Il habite la villa des Près. Oui ? Merci… merci.

    Camile raccrocha en soupirant. Il ouvrit la portière arrière de sa voiture, fixant son fils d'une façon à la fois perplexe et inquiète. Il avait le cœur lourd. Il espérait que tout ça ne retomberait pas sur son fils. Il craignait qu'il soit mis dans une maison de redressement ou, pire, en prison.

    Hunter le remercia à voix base puis grimpa dans la voiture, installant correctement le loup. Il s'assit sur le sol de la voiture pour prendre la patte de Clairsemé. Il lui sourit et il jura que l'animal lui souriait en retour. Camile alla à l'avant et s'attacha.

    - Je ne t'abandonnerais pas, Clairsemé… si maman veut bien qu'on te garde, hein maman ?!

    - Oui… on ne peut pas laisser un animal dans cet état dehors mais… je ne sais pas comment nos voisins vont le prendre.

    - Je sais pas…

    Hunter appuya sa tête contre le flanc de son animal, là où il n'était pas blessé. Il sentait bon, comme Dieu. Il ne put que sourire quand l'animal lui lécha gentiment la joue.

    µµµ

    Le lendemain, Camile ferma la porte derrière le vétérinaire du Zoo de Pairidaiza. C'était lui qui s'était déplacé pour s'occuper de l'animal. En échange de beaucoup d'argent, il avait accepté de garder le silence et il avait même fait tous les vaccins possibles et inimaginable à Clairsemé, afin qu'il soit le plus sain possible. Sans cela, il n'aurait pu le laisser dans cette maison, même pour une somme trébuchante.

    Dans la chambre, Clairsemé en profita pour prendre sa forme humaine. Il savait que ce serait fatiguant mais il savait aussi qu'il devait le faire. C'était important. Il inspira profondément puis laissa la projection astrale émané de lui.

    - Hunter, j'ai une question pour toi.

    - Je t'écoute ?

    - Tu as deux choix… je n'ai que dix ans à t'offrir. Au maximum. Soit dix ans en forme de loup, soit environ cinq, comme un « humain ». Tu ne me verras plus jamais en animal si tu choisis cette option… ou rarement. Que choisis-tu ?

    Le malade serra les lèvres en entendant cette question. Cinq ans avec l'être qui faisait battre son cœur ou dix ans avec son meilleur ami ? C'était probablement la question la plus difficile qui lui était donné de recevoir…

    - Toi… que veux-tu ?

    Clairsemé se pencha vers lui et posa avec tendresse ses lèvres contre les siennes.

    - Être à tes côtés comme un humain…

    - Alors c'est mon choix.

    Clairsemé sourit, les joues rougies.

    - Dès que je serais soigné… je prendrais les mesures. Jura-t-il.

    Son corps disparu et ne fit plus qu'un avec celui de sa forme loup. L'animal haletait un peu. Hunter lui caressa doucement les poils, un air inquiet sur le visage.

    La sonnette de l'appartement résonna. Le malade se leva et alla jusqu'à la porte, qui donnant directement sur le salon. Ça devait forcément être le vétérinaire qui avait oublié quelque chose. Ou, mieux, qui avait des indications de dernières minutes sur le cas de Clairsemé.

    Mais il s'agissait en fait de policier. Deux, l'air sévère. Il sentit immédiatement l'inquiétude s'insinuer dans ses veines. Il échangea un regard avec Camile qui s'efforçait d'avoir l'air détendu.

    - Excusez-nous… nous cherchons Camile Walgreave.

    - C'est moi…

    - Nous sommes navrés. Dit l'homme de gauche.

    L'homme au foyer essaya de calmer la tension qui parcourait son corps.

    - Nous sommes venus personnellement vous annoncer que nous avons finalement retrouvé le cadavre de votre mari…

    Les yeux de Camile s'ouvrirent en grand alors que ses genoux se mirent à trembloter. Hunter se précipita vers son parent pour le retenir. Il le fit s'asseoir dans le fauteuil et lui frotta le dos.

    L'un des policiers se permit de rentrer alors que le maître de maison enfonçait son visage dans ses mains tremblantes.

    - Vous pourrez voir le corps et… il vous sera remis pour que vous puissiez l'inhumer.

    - Inhumer ses restes ! Siffla Camile. Sortez de chez moi ! Hurla-t-il.

    L'homme s'inclina, navré, avant de s'exécuter. Il déposa le papier qui indiquait où était le corps sur le sol puis ferma la porte. La feuille voleta et vint jusqu'aux pieds de Walgreave. Ses larmes redoublèrent alors. Hunter lui caressa doucement les cheveux. Lui, il avait déjà fait son deuil. Il n'arrivait pas à pleurer.

    Il s'en voulait pour ça…

     

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    EPILOGUE


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