• La Porte de Lebna Cai

     

     

    Lebna Cai était une grande ville bâtie sur plusieurs étages. Elle avait été construite le long des parois d’une montagne, ce qui créait presque naturellement des échelons.

    Plus on était élevé sur le versant de pierre, plus on était riche et fortuné. Tout souriait à ceux qui avaient la chance de vivre dans les sommets.

    Inversement, ceux qui étaient situés au plus bas étaient les plus malheureux. Ils avaient du mal à survivre, ils fouillaient les poubelles en espérant trouver celles de ceux qui seraient plus riches qu’eux.

    C’était par contre impossible de monter ses parois injustes par ses propres moyens. Les pentes de roc étaient bien trop escarpées, trop dangereuses. Et les différents « étages » étaient bouchés par des murs infranchissables. À nouveau, plus on était en hauteur, plus le mur se révélait merveilleux.

     

     

    Aubry Williams était une de ces personnes qui vivaient dans les bas-fonds de Lebna Cai. Assez médiocre pour être estimée comme néfaste à la ville mais assez haute pour ne pas craindre le manque de nourriture qui surviendrait le lendemain. Elle n’était pas non plus condamnée à devoir se sustenter dans les détritus, comme les autres de sa patrie moins fortunés qu’elle.

    Mais Aubry était excitée pour une autre raison : Elle avait eu dix-huit ans hier. Elle avait reçu un cadeau d’anniversaire inestimable. Déjà un vrai muffin de ses parents, qu’elle avait partagé avec toute sa famille. Mais aussi une lettre. C’était déjà exceptionnel d’en recevoir en temps normal. Seulement, cette missive l’invitait à traverser La Porte.

    Rare étaient les personnes qui avaient le droit d’aller dans La Porte. Personne ne revenait jamais de cet endroit.

    Aubry n’avait pas apeurée pour autant. Pourquoi le serait-elle alors qu’on disait toujours que franchir La Porte permettait d’atteindre la Félicité ? On disait que ceux qui pénétraient cet endroit étaient au plus près de la Noblesse.

    Comment pouvait-elle seulement refuser de passer La Porte ?

    Bien sûr, il y avait sa mère, son père et ses trois frères. Cependant, elle pourrait leur envoyer de l’argent, de la nourriture ou autre.

    Elle comprenait que personne ne soit jamais revenu de La Porte. Pourquoi revenir alors qu’on allait vivre dans le luxe ?

    Elle connaissait la puanteur du monde, elle connaissait l’aspect sombre de l’humanité. Elle connaissait la tristesse, la souffrance. Jamais plus elle ne voulait vivre cela. Si elle avait la chance de pouvoir demeurer ailleurs, elle le ferait !

    Mais elle ne pouvait se résoudre à oublier ses parents et ses frères.

    Elle ne voulait pas faire comme tous les autres bénis. Ceux qui avaient négligés les leurs.

    Elle ne se pardonnerait pas de faire cela.

     

     

    Aubry Williams préparait ses affaires. Elle ne voulait rien oublier. Il fallait qu’elle ait son nounours préféré, mangé aux mites et ayant vécu sept générations, et ses vêtements. Eux étaient troués de toutes parts.

    Sa valise lui semblait lourde mais elle savait que ce n’était qu’une illusion. Comme ceux de cet échelon, elle n’avait que de maigres effets.

    Des coups furent frappés à la porte d’entrée. Aubry sautilla de joie. Elle serra son famélique bagage contre elle et vint dans le salon-cuisine-salle-à-manger-hall-d’entrée. Ses parents venaient d’ouvrir à des hommes en uniformes. Ceux-ci entrèrent dans le taudis. Ils eurent un reniflement dédaigneux. À leurs habits on comprenait qu’ils venaient des hauteurs de Lebna Cai. Ils ne devaient pas être acclimatés à cette odeur pestilentielle.

    - Aubry Williams ?

    - C’est moi ! sourit-elle en venant vers eux.

    - Bien, venez.

    Aubry se tourna vers ses parents. Ils avaient les larmes aux yeux. Autant de joie de voir leur fille avec un plus bel avenir, que de tristesse de la voir partir.

    - Je reviendrais vous voir ou je vous enverrais des lettres, jura la jeune femme en leur embrassant les joues.

    Les hommes sourirent avant que l’un d’eux ne saisisse la demoiselle par le bras.

    - Ne perdez pas notre temps dans ces effusions d’amour. Veuillez venir au plus vite. Vous devez passer La Porte. Vous êtes attendue.

    Aubry rougit. C’était la première fois qu’elle était attendue ! Autant de sa vie que de son avant-vie. Ses parents ne voulaient pas d’enfant. Bien qu’ils les aimaient tous, pour eux, ils n’étaient qu’une chose : des bouches à nourrir.

    L’un des hommes la poussa hors de la maison. Aubry eut juste le temps d’agiter la main une dernière fois. Elle ne vit même pas ses parents répondre de la même façon. Les hauts-gradés la guidèrent jusqu’au grand ascenseur de verre. Il fallait une clé pour l’activer, la raison pour laquelle personne n’en profitait pour s’enfuir avec.

    Cette chose qui était si accessible.

    Il aurait fallu être très conditionné pour refuser de prendre une porte de sortie qui était à portée de main.

    Aubry rentra dans la cage avec ravissement. Elle se demandait ce qu’allait penser les autres citadins en la voyant s’élever comme ça.

    Élever était le terme le plus parfait : elle montait de grade. Elle cessait d’être une clocharde pour devenir une Noble.

    Elle ne sautillait pas sur place seulement parce qu’elle craignait que le verre cède sous son poids. Pourtant si menu.

     

     

    Aubry Williams sourit de toutes ses dents en voyant qu’elle était devant La Porte. C’était un huis somptueux, fait de bois blanc. Elle avait été taillée de telle sorte qu’il y avait des moulures en volume et en profondeur. Il y avait quelques dorures aussi qui s’y mêlaient.

    La Porte, en elle-même, s’enchâssait dans la roche au niveau du deuxième échelon de la grande montagne.

    - Allez-y, mademoiselle.

    Aubry sourit et posa la main sur la poignée en or. Elle la fit descendre doucement puis tira le battant vers elle. Il n’y avait là que le noir. La jeune femme supposa qu’elle devrait d’abord passer un couloir.

    Elle sourit aux hommes puis entra.

    La porte claqua derrière elle.

    Des hurlements de terreurs puis de douleurs ne tardèrent à retentirent. Une nouvelle fois, les hommes affichèrent un sourire.

     

     

    Lady Otter mangeait un plat en sauce avec une excellente pièce de viande juteuse. Elle appela un des garçons de la salle. Elle posa ses couverts en or sur ses assiettes de porcelaine.

    - Oui, ma Dame ?

    - Comment s’appelle cette viande ? D’où vient-elle ?

    - Échelon treize, Aubry Williams, ma Dame.

    - Il faudra plus souvent en choisir là-bas. C’est très bon.

    - Il sera fait selon votre désir, ma Dame.


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  • Encore un texte qui devait certainement avoir été créé dans le cadre d'un concours ! Mais... je crois qu'il ne m'avait pas semblé assez bon pour leur être donné...

    /!\ Zaig est un de mes bébés et je l'ai utilisé ici parce que l'idée me semblait bonne. Mais il va avoir un roman qui n'a absolument aucun lien avec l'histoire présente /!\



     

    Retournez votre photo, s’il vous plaît.

     

     

    Zaig était assis sur le perron de l’église, son appareil photographique dans les mains. Il le souleva et pressa sur le déclencheur. Clic. Une image s’afficha sur le cadran de l’appareil numérique. Il préférait les appareils plus archaïque mais il était forcé de reconnaître que les numériques étaient plus rapide.

    Il fixa avec soin l’aperçu de sa photographie. On pouvait voir le magnifique sol dallé en pierre grise. Il y avait également les hautes et coquettes maisons, toutes de couleurs différentes, avec des appuies de fenêtres fleuris.

    Il avait photographié une foule complète de badaud déambulant dans les rues. L’un pour aller chez soi, l’autre pour faire ses courses, certains pour aller travailler et d’autres juste pour se promener.

    Malgré toute cette foule, seule une personne c’était retrouvé affichée sur sa photographie. Une femme d’une trentaine d’année, vêtue d’un tailleur noir avec un pantalon ample. Ses cheveux blonds étaient coupés au carré et ses yeux noisette.

    Zaig sourit.

    - Voyons voir… Quinze heures… et accident domestique.

     

     

    Rosita Smith s’assit sur une chaise dans le coin lecture d’une bibliothèque. Elle lissa la veste de son tailleur pour la cinquième fois au moins. C’était là son premier entretien d’embauche de toute sa vie. Elle avait vingt-neuf ans, après vingt-six années d’études et trois années, dont une d’attente, sur le chômage, elle pourrait enfin prendre sa liberté.

    Elle pourrait cesser de vivre chez ses parents.

    - Mademoiselle Smith ?

    Rosita se leva. Elle vint près de la bibliothécaire mais elle se figea. Une impression désagréable venait de l’assaillir. Elle avait des frissons, des sueurs froides qui coulaient le long de son dos.

    Elle tourna vivement la tête pour fixer un endroit précis. Elle aurait juré que, là-bas, quelqu’un l’observait. C’était effrayant !

    - Mademoiselle Smith, un souci ?

    - N… Non. Pardon.

    Elle afficha un maigre sourire. Elle se sentait vraiment mal en cet instant. Elle essaya toutefois de l’ignorer et elle prit place face à elle de l’autre côté du comptoir.

    La femme entama alors l’entretien. Rosita essayait de rester calme. Elle avait attendu trop longtemps pour laisser la chance lui échapper.

     

     

    Zaig s’appuya contre le mur. Il lança un regard par-dessus son épaule pour voir Rosita qui était en train de passer son entretien d’embauche. Il retint un ricanement dédaigneux puis repassa en revue ses photos. Il y en avait des vides, d’autres avec une ou deux personnes. Certaines contenaient même des enfants, des vieillards ou des animaux.

    Il désactiva son appareil photographique et le glissa dans son sac de transport. Il ferma les yeux et attendit.

    Il ne les rouvrit qu’à un instant précis. Celui où la porte pivota à côté de lui, brassant de l’air glacé. Il eut le temps de voir Rosita sourire de toutes ses dents. Elle était toute guillerette.

    Zaig attendit qu’elle s’éloigne avant de se mettre en marche à son tour.

    - C’est bien fâcheux qu’il faille que ça t’arrive maintenant…

     

     

    Rosita se tourna vivement, ayant toujours cette même et désagréable impression. Elle remarqua alors cet homme. Elle l’avait entraperçu sur les marches de l’église déjà. Elle l’avait également vu la suivre plus d’une fois. C’était inquiétant. Pourquoi cet homme étrange la suivait depuis tout ce temps ? Elle qui n’avait rien de particulier.

    - Que voulez-vous ? cria-t-elle.

    Elle porta sa main à son sac pour y récupérer une bombe de spray au poivre. C’était le seul moyen de défense qu’elle avait. Elle espérait bien que ce serait suffisant.

    - Voir, c’est tout.

    - Un voyeur ?! siffla-t-elle.

    Elle aspergea l’homme du contenu de son aérosol puis s’enfuit en courant. Elle n’avait jamais été aussi rassurée d’entendre quelqu’un pousser un cri de douleur.

    Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule.

    Si elle fut rassurée de le voir se tenir le visage, plié en deux, elle s’empressa quand même de courir. Il fallait qu’elle rejoigne le poste de police le plus proche.

    L’angoisse lui tordait les boyaux.

    Elle qui avait été si contente de finalement avoir un travail voyait son bonheur entaché. Elle pouvait prendre sa liberté mais elle se faisait harcelée par un quelconque pervers. Elle était peu habituée à autant de malchance.

    C’est ainsi qu’elle pénétra dans le commissariat. Le bâtiment était rassurant au moins.

    Le pervers ne se risquerait jamais à la suivre ici. C’était réconfortant.

     

     

    Zaig se frotta les yeux. Il pesta contre la femme qui avait osé l’aspergé allégrement du spray.

    Ses yeux étaient ce dont il avait le plus besoin. Après tout, il était photographe. Que ferait-il sans eux ? On n’avait encore jamais vu de photographe aveugle. Ça aurait été amusant de voir ce qu’un malvoyant aurait pu faire avec un appareil photographique. Mais là n’était pas la question.

    Il se redressa, les globes oculaires rougis mais moins douloureux.

    Il leva la main. Un délicat moineau se posa sur son index. Il lissa les plumes de son dos avec son bec puis fixa l’homme.

    - Où est-elle partie ? s’enquit-il.

    Le volatile décolla et le guida jusqu’au poste de police. Zaig grogna puis suivit la petite bête. Il ne prit même pas la peine de le remercier qu’il se glissa dans une ruelle sombre. Il ne tenait pas à se faire encore une fois agressé par Rosita.

    Il patienta une heure complète avant que la femme ne sorte de la grande bâtisse. Elle regarda autour d’elle avant de partie en courant. Elle ne semblait plus vouloir prendre le risque de se faire suivre par qui que ce soit. C’était sans doute une des raisons pour laquelle elle regardait fréquemment au-dessus de son épaule.

    Zaig eut un sourire mauvais.

    Au moins, elle connaissait la peur. Il n’était pas habituel qu’il désire de cela mais il ne tolérait pas qu’on le blesse. Surtout au niveau de ses magnifiques yeux d’une étrange couleur orange.

     

     

    Rosita arriva à la maison. Soulagée, elle ouvrit la porte de son chez-elle. Elle se glissa à l’intérieur et soupira.

    - Maman ! Papa ! Je suis rentrée ! cria-t-elle.

    - Quel plaisir ! sourit son père en venant à son encontre.

    Il la prit chaudement dans ses bras, un large sourire étirant ses lèvres. Elle se blottit contre lui. Être tout contre son père était encore plus rassurant que se trouver sous la protection d’un poste de police. La paternité était une chose bien étrange.

    - Tu as été embauchée, j’espère ? lui parvint la voix de sa mère.

    Rosita eut un sourire un peu triste. Mais elle comprenait sa génitrice. Cela faisait quand même vingt-neuf ans qu’elle vivait chez eux. Ils avaient déjà soixante ans et devaient toujours la supporter.

    - Oui maman ! Je commence lundi. Et promis… dès que j’ai ma paie, je me trouve un appartement.

    - Parfait, sourit la mère.

     

     

    Zaig regarda l’heure sur la grande horloge de l’église. 13 : 26.

    Cela faisait un peu plus de trois heures qu’il suivait la pauvre femme.

    Des piaillements attirèrent l’attention du jeune homme. Il leva les yeux. Il sourit en remarquant une masse compacte entourée de flamme qui fonçait vers un endroit précis : la maison de Rosita elle-même.

    - On dirait que j’ai raté mon défi, remarqua-t-il, un air défaitiste sur le visage.

     

    La comète percuta violemment la maison de Rosita, transformant la demeure agréable en enfer. Les briques volaient de toutes parts, le feu prenait en de nombreux foyer, les cris résonnaient dans l’air.

    Les pompiers furent immédiatement appelés et les sirènes s’ajoutèrent au fracas assourdissant.

    Zaig sortit son appareil photographique et prit un dernier cliché.

    - Rosita Smith, morte le mercredi 9 juillet 2014, à 13 : 29. Elle m’en aura causé des soucis celle-là.

    Il soupira une dernière fois puis repartit vers chez lui.

    Peut-être qu’il prendrait d’autres clichés en chemin. En espérant que les prochaines personnes à mourir seraient moins énervantes.

     



     

    © Angelscythe 2014


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  • Le bal des hermines. 

     

                Une légende d’homme raconte qu’un jour, une blanche hermine, poursuivie par des chasseurs, préféra se laisser attraper plutôt que risquer de souiller son pelage en traversant une rivière boueuse. Elle raconte encore que la duchesse Anne de Bretagne ordonna que l’on relâche l’animal.

                Cette légende, nous la connaissons aussi. Mais elle n'est pas tout ce que les Hommes en pensent.  Nous, nous savons ce qu'il en est vraiment, puisque cet héritage, nous le transmettons de gueule à oreille ! Eh oui... Contrairement à ce que l’humanité pense, nous animaux nous racontons également des légendes ou le passé. C’est juste que nous sommes bien incapables d’écrire quoi que ce soit. Nous avons bien essayé mais nos pattes ne sont pas adaptées à cela.

                Le conte de la blanche hermine tant apprécié des hommes est connue en nos contrées comme l'histoire de la valeureuse Aînée III fille de Cadette. Cette hermine était la femelle aînée de la troisième portée d’une seconde née dans sa fratrie. Comme moi qui suit Benjamin V fils de Benjamine. Vous l’aurez compris, je suis le dernier mâle de la cinquième portée de ma mère née dernière femelle de sa propre portée. Évidemment, il doit y en avoir beaucoup des Benjamin V fils de Benjamine mais tant que mes frères et sœurs, ainsi que ma mère, me reconnaissent…

                  Voici donc ce qui demeurerea toujours, pour nous, la vraie histoire de l'hermine.

                Aînée III, pour vous simplifier cette histoire, devait se rendre au bal des hermines comme chacune d’entre nous. Ce bal a lieu deux fois l’année. La première fois de l’année nous fait passer du blanc au brun alors que la seconde fois blanchit nos pelage jusqu’à ce qu’on nous ayons atteint la pureté même.

                Nous nous réunissons tous dans une grande clairière et nous commençons à danser. C’est magnifique. Nous ne savons jamais qui changera de couleur en premier et par où ça va commencer. L’année passée, j’ai blanchi du ventre puis avec des petites tâches tout partout, on aurait dit que je m’étais roulé dans la boue !

                Aînée III, comme toute hermine, venait au verger de notre bal lorsqu’elle entendit le bruit des hommes. Elle prit son courage à quatre pattes pour s’arrêter et écouter ce qu’ils disaient. Bien sûr, elle ne comprenait pas leur langage. Mais leur intonation suffisait. Elle se rapprocha petit à petit. Elle savait que les humains désignaient souvent leurs destinations.

                Silencieusement, elle se glissa derrière une trouée du feuillage et les fixa de son œil perçant jusqu’à ce que qu’ils dévoilent enfin l’endroit de leur convoitise.

                Elle eut alors l’horreur de voir qu’ils montraient notre clairière. Allez savoir ce qu’ils pourraient faire de notre "salle de bal"… Ils nous avaient déjà pris des endroits qui étaient à nous, à nos autres amis mustélidés ou même à nos proies et prédateurs. Nous avions désespérément besoin de cette plaine !

                Encore une fois, Aînée III récupéra tout le courage qu’elle pouvait avoir avant de bondir devant ces humains. Ceux-ci se tournèrent vers elle. D’abord horrifiés de voir une créature sauvage surgir devant eux, ils reconnurent le blanc pelage d’une hermine. Nous leur servions autant d’animaux de chasse, ou de compagnie, que comme parure. J’ai déjà vu une humaine porter un renard autour du cou, plutôt étrange comme pratique.

                Aîné III ne fit pas de bêtise et se mit à courir, jetant un œil par-dessus son épaule. L’on raconte qu’elle aurait ricané en voyant que les Humains la suivaient bien. Elle entreprit alors de les éloigner le plus possible de notre clairière.

                Elle dut courir plus de quinze minutes avant d’arriver devant cette fameuse rivière boueuse. Elle aurait pu se jeter dans la rivière, désireuse d’arborer les mêmes tâches brunes que nous, elle qui ne pourrait peut-être pas participer au bal.

                Aîné III ne se refusa pas à passer la rivière par crainte de salir son magnifique pelage mais parce qu’elle avait mené les Hommes là où elle le désirait. Et surtout, parce qu’elle pourrait provoquer une merveilleuse source de distraction.

                Elle s’arrêta alors, gardant tout son courage en elle. Avec de la chance, elle deviendrait la poupée d’enfant pas trop violent. Si elle n’avait que de la malchance, elle périrait sans doute.

                Au lieu de quoi, à l’instant où les hommes l’attrapèrent, une femme se détacha de la foule de ses Humains. On raconte qu’elle était richement décorée. Quoi qu’elle eu dit à ces hommes, Aîné III fut reposée sur le sol. Elle en profita alors pour fuir, bien qu'elle prit garde de ne pas mené les humains jusqu’à la clairière où elle fit la fête avec ses congénères.

                Elle raconta son histoire qui se perpétua dans notre peuple au fil des générations à défaut de pouvoir l'écrire et le délivrer aux Humains pour qu'elle remplace leur version. Ou, qu'au moins, elle demeure à leurs côtés.


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  • Vous l'aurez compris : Encore un texte de concours !

    La première phrase : Il entendit un rire. Un rire grave qui s’échappait par la fenêtre…  était imposée !



     

    Le frisson

    Il entendit un rire. Un rire grave qui s’échappait par la fenêtre…

    Célime, de son prénom, se redressa péniblement, frottant sa tête tout endolorie. Il ne se souvenait pas s’être endormi sur un plancher douloureux. Il n’était encore jamais tombé du lit. Même si, comme disait l’adage, il faut une première fois à tout.
    Il regarda l’endroit où il se trouvait : Une haute fenêtre était la seule source de clarté. La lumière diffuse de la lune se propageait dans la pièce. Elle permettait de voir les murs décrépis qui donnaient l’impression qu’ils s’effriteraient si on les touchait. Ils étaient tous gris, parsemés de taches noires ou encore blanches, là où du papier peint avait été arraché. L’adolescent put remarquer le haut plafond soutenu par quelques misérables poutres.
    Le rire retentit à nouveau, bientôt suivi par le bruit caractéristique d’une tronçonneuse qu’on démarre.
    Célime se tendit en entendant cela. Il se serait cru dans l’un de ces films d’horreur qu’il affectionnait tant. Lui qui aurait pu visionner sans arrêt ce genre de vidéos sentait tout à coup des sueurs froides. Là, ça ne lui plaisait absolument pas !
    Il regarda encore une fois autour de lui. Il put alors voir quatre personnes également allongées sur le sol poussiéreux.
    Tout d’abord un homme à la peau caramel et aux cheveux bruns crépus qui fixait les environs de ses orbes noirs. Il était particulièrement sur ses gardes, la respiration lente.
    Un grand musclé à la courte chevelure et aux yeux bleus ne se tenait pas loin de l’homme de couleur. Il se leva péniblement et inspecta la pièce, l’air décidé.
    Il y avait également un blondinet qui venait de sortir de l’adolescence. Il était rondouillet et portait de petites lunettes crasseuses sur son nez. On ne voyait dès lors pas son regard vert.
    La dernière personne qu’il restait était une rousse voluptueuse avec de pétillants iris d’un vert profond. Malheureusement, ils étaient dénaturés par la peur.
    Elle poussa un cri lorsque le bruit de la tronçonneuse se fit encore entendre.
    – Qu’est-ce qu’on fait ? hurla-t-elle, paniquée.
    L’homme décidé fit la moue puis il vint serrer la demoiselle contre lui, souriant d’un air séducteur.
    – Ne t’inquiète pas. Regarde ! Il y a une porte.
    Il désigna l’huis qui était en effet présent bien que dans un état déplorable. Il donnait l’impression de pouvoir tomber de ses gonds au moindre souffle d’air.
    L’homme décidé caressa les cheveux de la jeune femme tout en observant ses compagnons de mésaventures. Ils avaient tous l’air paniqués et dans de bien piteuses conditions. Mais ils n’avaient qu’une lumière pâle et incertaine pour voir plus loin que le bout de leur nez.
    Et pour tout bruit de fond le hululement effrayant des chouettes et hiboux ainsi que ce son terrifiant de tronçonneuse.
    – Je suis Anthony ! se présenta l’homme qui enlaçait toujours la jeune femme.
    – Moi, Lola, sourit la demoiselle.
    – Michael, chuchota l’homme à la peau caramel.
    – Jean-Michel…
    Les regards se tournèrent vers Célime qui était resté silencieux. Celui-ci bafouilla son prénom, les joues un peu rougies. Il ne se sentait vraiment pas rassuré. Il retrouvait vraiment l’ambiance austère de ses films fétiches.
    – Sortons, décréta Anthony.
    Il serra Lola contre lui tout en ouvrant la porte. Les autres le suivirent immédiatement. Célime déglutit difficilement puis s’obligea à leur emboîter le pas. Il ne voulait pas rester seul. En plus, s’il n’avait pas tort, il serait livré à lui-même, sans arme.
    Ils avancèrent un moment dans les dédales sombres de ce qui semblait être un manoir. On pouvait remarquer des toiles d’araignées un peu partout, de la poussière qui stagnait ci et là ou encore des peintures qui tombaient en lambeaux.
    – C’est effrayant, glapit Lola.
    – Je sais, je sais… je suis là, assura Anthony.
    Célime se frotta la nuque. Il revenait sur ses pensées d’un peu plus tôt. Il se voyait davantage dans un nanar d’horreur que dans un vrai film horrifique.
    Ils arrivèrent devant des escaliers. Célime regarda autour de lui, paniqué.
    Il avait une sensation désagréable et soudaine.
    Est-ce que ça allait se passer comme dans les pires histoires ?
    – On devrait se séparer ! décréta Anthony d’un air décidé.
    Malheureusement, oui.
    – C’est pas une bonne idée, avança Célime.
    – Pourquoi pas ? Il faudrait voir ce qu’on pourrait trouver à l’étage et dans le rez-de-chaussée ! répliqua Anthony.
    Il gonfla les muscles, bombant le torse. Il montrait de la sorte qu’il était celui qui prendrait dorénavant toutes les décisions.
    – Ne devrait-on pas plutôt trouver la sortie ? La porte est certainement au rez-de-chaussée.
    – C’est vrai ! Vous trois vous allez à gauche, décréta-t-il en désignant les trois garçons. Et nous à droite.
    Célime se passa la main sur le visage. C’était encore pire que ce qu’il pensait !
    Pourquoi se borner à vouloir se séparer dans une telle situation ? Quoique le regard qu’il lançait à Lola depuis un moment lui laissait comprendre le « pourquoi » de cette décision. Il eut une moue écœurée.
    C’était à lui de choisir à présent. Soit une probabilité de mort certaine soit devoir supporter de l’effusion de sexe.
    Il se tourna vers Michael et Jean-Michel, se maudissant pour ses actes.
    Anthony retourna alors sur ses pas avec Lola. Célime s’obligea à continuer de marcher en suivant les deux autres. Il cherchait fréquemment autour de lui après une arme de fortune.
    Le bruit de tronçonneuse était de plus en plus présent. Oppressant.
    Il ne leur fallut que cinq minutes pour trouver la porte. Célime eut un sourire rassuré. Peut-être qu’il avait imaginé inutilement le pire. Son frère lui répétait toujours qu’il regardait bien trop de films d’horreur.
    Le bruit de tronçonneuse s’arrêta.
    Michael ouvrit, un air soulagé sur le visage. Jean-Michel souriait de toutes ses dents.
    Célime voulut en faire de même mais il se figea en voyant du sang être projeté partout, suivi bientôt du bras de Michael dont le propriétaire hurlait toujours plus fort.
    Un autre cri le suivit.
    Le torse du jeune homme venait d’être ouvert sans pitié, sang et boyaux étaient impitoyablement expédiés de toutes parts.
    Célime put voir un « pourquoi » marqué dans les yeux de Michael alors qu’un gargouillis infâme sortait de ses lèvres.
    Jean-Michel gémissait, tremblant. Il avait de l’hémoglobine sur le visage, ses lunettes devenant encore plus crasseuses qu’elles ne l’étaient déjà. Rassemblant tout son courage avec grande peine, Célime se saisit du poignet de son compagnon d’infortune. Il tira dessus et l’obligea à suivre son rythme.
    Ils repartirent en courant vers l’endroit où devaient être Lola et Anthony. Jean-Michel ahanait derrière lui, allant bien trop vite pour lui.
    – Q… que… que… fait… fait… fait-on ? bégaya Jean-Michel.
    – On va rejoindre Lola et Anthony ! C’est tout ce qu’il nous reste à faire !
    Il essaya de sourire à l’adolescent mais il ne parvint qu’à lui offrir un rictus triste.
    Le bruit de tronçonneuse s’était arrêté.
    Il savait toutefois que ce n’était que temporaire. C’était ce qui l’effrayait le plus. Il ne savait pas combien de temps de répit ils auraient.
    Il continua alors de courir traînant derrière lui son fardeau. Il n’était même plus sûr de pouvoir le nommer autrement.
    S’il avait raison…
    Il priait pour avoir tort ! C’était probablement la première fois de sa vie qu’il le souhaitait !
    Jean-Michel et lui crièrent d’une même voix lorsque le bruit de tronçonneuse se fit entendre.
    Trop proche.
    Il dut soutenir le corps de son compagnon d’infortune pour qu’il ne tombe pas au sol. Malheureusement, il lui échappa et son poids les entraîna vers le parquet poussiéreux.
    Un tumulte sourd se rapprocha. Le moteur vrombissant de cette épouvantable tronçonneuse. Jean-Michel sanglotait juste à côté de lui. Il marmonnait sans cesse de misérables « pitié ». Célime voulut lui frotter le dos pour le rassurer mais une silhouette s’avança. Imposante.
    Devant eux se tenait un homme, couvert de sang, avec un masque pour cacher son visage. Il s’agissait d’un ornement en forme de corbeau, avec le bec déformé et des cassures ci et là.
    Célime se redressa et tâcha d’aider son camarade. Celui-ci se contentait de sangloter, n’essayant même plus de se lever. Il était bien trop engourdi par la peur.
    Le vacarme continuait de retentir à leurs oreilles, toujours plus inquiétant. La lame tournoyante se rapprochait. L’homme masqué n’était plus qu’à quelques centimètres.
    Célime ferma les yeux deux fractions de seconde. Il relâcha le corps de Jean-Michel puis s’enfuit en courant.
    Derrière lui, il entendait le bruit écœurant de la chair sectionné.
    Il entendait le rire grave. Il entendait les cris d’agonies de Jean-Michel. Il essayait de ne pas pleurer. Pas maintenant.
    – Lola ! Anthony ! cria Célime.
    Il lança un coup d’œil par-dessus son épaule.
    Le carrelage s’imbibait de sang. Le tueur ne se préoccupait plus que de sa victime qu’il maintenait en vie pour l’entendre souffrir plus longtemps.
    Célime porta sa main à sa bouche, se retenant de vomir. Cette réaction était presqu’ironique. Ici il se sentait mal mais lorsqu’il le regardait à la télévision, il trouvait ça hilarant. Ça ressemblait presque à la vengeance de l’univers.
    Il n’était pas dans un poste télévisé. Il subissait ce qui l’avait fait rire pendant six ans. Temps depuis qu’il avait commencé à visionner des films d’horreur en douce.
    Célime percuta violemment quelqu’un.
    Il sentit une main sur son épaule et il hurla.
    Se tournant vivement, il put voir Anthony. Tremblant, il tomba à genoux. Lola regarda autour d’eux. Le bruit caractéristique de la tronçonneuse se rapprochait à nouveau. Le cœur de Célime tambourina dans sa poitrine. Maintenant, il savait qu’ils n’avaient que peu de répit. C’était encore pire que dans n’importe qu’elle comédie horrifique.
    – Il… Il faut qu’on trouve… comment sortir… puis appeler la police… chuchota Célime, tremblant.
    – Ouais, faisons ça, grogna Anthony.
    Il montrait, encore une fois, qu’il voulait reprendre les choses en main. Il se dirigea vers un bout de poutre qui s’était détaché. Il s’en saisit et le tapa dans sa paume ouverte pour le tester. Il ne put que crier lorsqu’une écharde y resta plantée. Il la retira et la jeta sur le sol.
    – Allez, on s’arrache ! décréta-t-il.
    Il se remit en marche, sans se soucier de Lola ou de Célime. La jeune fille eut la douceur d’aider son cadet à se redresser. Il la remercia muettement. Il aurait peut-être pu mettre des mots sur ses pensées si elle n’avait pas hurlé dans ses tympans la seconde d’après.
    Il jeta un œil derrière lui pour voir que le tueur se rapprochait.
    Son rire gras s’élevait dans les couloirs, se répercutant ci et là.
    Tout cela était encore plus effrayant. Son cœur battait bien trop fort dans sa poitrine. Il allait faire un arrêt cardiaque rien qu’en regardant la tronçonneuse.
    Lola le poussa dans le dos. Il comprit le message et recommença à courir
    – Anthony ! héla le garçon.
    L’homme tourna la tête. Il se figea en voyant le tueur se rapprocher. Il cavala, même s’il était le seul armé. Il n’allait pas se leurrer. Il avait des muscles, certes, mais il était seulement équipé d’une poutre.
    – Quel enfoiré ! siffla Lola.
    En temps normal, Célime aurait tâché de lui offrir un sourire réconfortant. Ici, il se contentait de courir sans faire attention à ce qu’il y avait sur leur chemin.
    Ça ne manqua pas : Lola trébucha et elle tomba sur le sol. Un craquement sonore retentit dans le couloir alors que la jeune femme sanglotait. Elle serra sa main sur sa cheville qui formait un angle inquiétant.
    – Elle est…
    Lola tendit la main vers Célime.
    Le tueur s’avançait, son rire emplissant l’air.
    – Anthony ! cria Célime.
    Il s’empara de Lola et il la souleva péniblement. Il passa son bras, à elle, autour de ses épaules. Il se remit alors à marcher le plus vite possible. Mais sa camarade claudiquait difficilement.
    Elle les freinait !
    Et l’homme qui se rapprochait toujours plus dans ce vacarme assourdissant !
    Lola poussa un cri. Célime eut juste le temps de tourner la tête pour voir le tueur attraper la jeune femme par les cheveux. Il la tira en arrière et la jeta au sol. Il leva sa tronçonneuse bien haut.
    Le garçon n’attendit pas que la lame retombe qu’il se mit à courir. Il chercha par où Anthony avait bien pu s’enfuir. Il lançait de fréquents regards derrière lui. Seul, les lieux avaient l’air encore plus austère. Il avait l’impression de geler sur place mais c’était peut-être uniquement dû au froid.
    Il se figea en voyant du sang sur le sol. Avait-il déjà fait le tour du bâtiment ? Était-ce le corps de Michael ? Devait-il monter les escaliers à présent ?
    Quelque chose roula jusqu’à ses pieds.
    Il sursauta.
    Une tête !
    Il regarda autour de lui et remarqua un corps penché à la fenêtre.
    S’avançant, il distingua le liquide carmin qui avait éclaté sur la vitre. Il réalisa alors que le corps n’était absolument pas « penché à la fenêtre ». La personne avait essayé de sortir mais sa tête avait été sectionnée !
    Ce n’était pas pour rien que ce genre de fenêtre était appelée « fenêtre à guillotine ».
    Célime se rendit alors compte qu’il avait déjà aperçu ce t-shirt quelque part. Il tourna le regard pour fixer le crâne démembré. Il tomba au sol en hurlant lorsqu’il décela distinctement le visage d’Anthony !
    Le bruit assourdissant recommença à se faire entendre.
    Célime recula dans l’hémoglobine, se tachant. Il ne cherchait même plus à se lever. Il n’était pas dans un film, il jouait sa vie en cet instant précis. Le problème étant qu’il ne savait pas comment la préserver.
    Il était là, sanglotant comme un enfant.
    Il recula encore, jusqu’à ce qu’il soit dans un coin. Il se recroquevilla, espérant vainement que ça puisse le sauver.
    Le bruit se rapprocha accompagné de ce rire qui le mortifiait sur place.
    Bientôt, l’homme fut sur lui.
    Il arracha son masque difforme de corbeau et le laissa tomber sur le sol.
    Cling.
    Le bruit de la porcelaine se fracassant à terre et se réduisant en morceaux. Bruit qui força Célime à rouvrir les yeux et à lever la tête. Il put alors voir le visage de celui qui voulait le tuer…
    Son grand-frère.

    Célime se redressa en sursaut, haletant. Hagard, il redressa la tête pour croiser les prunelles bleu très clair de son grand-frère. Il affichait un grand sourire. Il lui désigna la télévision où se déroulait une scène emplie de poitrine exubérante parsemée d’hémoglobine à foison.
    – Tu ne devrais pas t’endormir quand tu mets des choses pareilles.
    – M’endormir…
    Il sursauta en entendant le bruit de la tronçonneuse suivi de cri. Il tourna la tête mais ne put retenir un soupir rassuré en voyant que ce n’était que dans la télévision. Voilà qui était préférable.
    – Crois-moi je ne le ferais plus !
    – Tu vas finir par faire des cauchemars…
    Célime rit péniblement. Un cauchemar, il en avait fait un. Et pas un petit.
    Il se leva du divan et posa un baiser sur la joue de son grand-frère avant de sortir dans le couloir.
    Il n’y fit pas attention, mais depuis peu, dans le couloir, il y avait un masque en porcelaine. Un masque représentant un corbeau affreusement difforme…

     


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  • Cette histoire-ci était destinée à récit-express, j'ai donc essayé de faire le style Jeunesse d'une façon pure et dure ! Mais je ne suis pas très douée pour le sujet. Je m'y réessaierais peut-être un jour, cela dit, juste pour le plaisir.

    /!\ Il s'agit d'un essai pour un style de roman à venir. Le Roman en question a de forte chance d'être plutôt publié sur le site plutôt que d'être destiné à l'édition. Toutefois, tout personnage faisant partie de l'histoire n'est dans cette histoire qu'à titre d'essai. L'histoire n'est en rien rattachée à quoique ce soit dans leurs romans respectifs /!\



     

    Tendres sentiments

     

    Les vacances d’été se profilaient après une longue et pénible année scolaire.
    Finis les devoirs, finis les professeurs et leurs réprimandes, finis de rester toute une journée assis sur une chaise sans bouger. Tout ce qu’il restait après avoir retiré les désavantages de l’école, c’était les nombreuses heures de rires avec les enfants de son âge.
    Des compagnons de jeux, Patrick en avait toujours à sa proximité. Il était vrai que son meilleur ami, Jérôme Maurage, allait toujours à la mer durant le mois de Juillet et qu’ils ne pouvaient plus se voir avant Août. Toutefois, Patrick n’était jamais seul. Pour le garçonnet, c’était le plus bel avantage d’être orphelin. Au moins, on n’était jamais seul !
    C’était vrai qu’il aimerait être adopté par une belle famille. Mais il avait douze ans. Il connaissait la triste réalité : lorsqu’on a dépassé l’âge de sept années, rares sont les couples qui veulent bien d’eux. Ils préféraient de loin les poupons ou les jeunes enfants si doux, si adorables. Eux plutôt que des adolescents qui auraient prétendument des crises ou seraient difficiles à élever.

    Patrick Duguay était un petit orphelin ayant vécu douze printemps. Il affichait toujours un air heureux. Il était doté de courts cheveux blonds cendrés un peu en bataille. Quelques mèches passaient sur son visage rosé, cachant sa rondeur d’enfant. Ses grands yeux noirs pétillaient continuellement.

    Ce jour-là, Patrick devait aider Miranda Bousman, la gérante de l’orphelinat, à faire un peu de ménage. Ils avaient des tours pour ce qui était des corvées. Sur le mois, on leur confiait la responsabilité de trois ou quatre tâches ménagères : Aider à laver la gigantesque demeure, mettre la table et la débarrasser, faire la vaisselle ou aider à la découpe de légumes.
    Laver, avec un adulte responsable qui surveillait, c’était le travail que Patrick aimait le moins.
    Le garçonnet était en train de nettoyer le bureau de l’accueil. C’est à ce moment qu’il le vit pour la première fois.
    C’était un homme commun. On pouvait même le qualifier de banal. Il avait des cheveux bruns clairs en bataille, une peau pâle, mais pas trop. S’il était grand, il n’était pas imposant. La seule chose qui le rendait moins ordinaire, c’était deux grands yeux bleus profonds.
    Cet individu lui offrit un sourire, doux et rassurant, avant de poser des caisses sur le bureau.
    - Bonjour, salua-t-il. Je cherche Madame Bousman.
    Patrick lui désigna la femme qui lavait les vitres, à quelques pas de là. C’était toujours le travail qu’elle faisait elle-même. Elle trouvait que c’était trop dangereux de laisser faire les enfants. Il fallait monter sur un haut escabeau qui n’était pas toujours très stable. En plus, certains des produits à utiliser étaient nocifs.
    De dos, ses cheveux gris enroulés dans un foulard bleu et des vieux vêtements amples sur le corps, elle était méconnaissable. À son plus grand bonheur, on pouvait la prendre pour une jeune fille en attente d’être adoptée.
    - Merci, sourit l’inconnu.
    Il se permit de lui frictionner ses cheveux blond cendrés, un grand sourire aux lèvres puis il se dirigea vers la femme. Ils discutèrent un moment. Patrick garda sa loque en main et il observa cet être mystérieux. Était-ce un futur parent ? Il semblait bien jeune ! Il ne devait guère avoir plus de vingt-cinq ans. En lui donnant cet âge, il était sûr de le vieillir. Cet homme n’avait pas l’air d’un « vieux ».
    Le garçonnet resta à attendre jusqu’à ce que l’inconnu reparte. Alors seulement il trottina jusqu’à la gérante, serrant le tissu souillé dans ses mains.
    - Madame, qui était-ce ? interrogea-t-il, curieux.
    - Un bienfaiteur, expliqua-t-elle, un sourire taquin aux lèvres. Il vient souvent nous apporter des caisses de nourritures ou du matériel. Des couvertures neuves aussi, des vêtements ou même de la vaisselle.
    Elle irradiait de bonheur en racontant cela. Patrick se sentait sourire également. Il trouvait aussi que c’était une gentille attention. Il était plutôt rare que des personnes offrent leur argent ou leur bien à des orphelinats. Surtout sans rien attendre en retour. En effet, il était souvent plus profitable de donner à des associations caritatives ou de sauvegarde animalière qu’à des enfants abandonnés.
    Patrick retourna en sautillant au bureau pour recommencer à le laver. Plus vite il l’aurait fait, plus vite il pourrait aller s’amuser avec ses compagnons d’infortunes.
    Il aimait jouer avec eux.
    Lorsqu’on avait douze ans, une belle partie de football était souvent bien plus bénéfique que tout ce que l’on pouvait s’imaginer. Courir derrière une balle, bercé par le rire de vos camarades, il y avait-t-il quelque chose de mieux ?

     


    Patrick posa toutes les feuilles qui composaient ses cours dans une caisse en carton. C’était officiel ! Ils étaient en vacances ! Il avait du mal à ne pas danser d’un pied sur l’autre. Surtout qu’il avait la chance de ne pas avoir de devoir de vacances à l’inverse de Timothy, son compagnon de chambre.
    Il n’y avait que cinq enfants qui avaient son âge dans l’orphelinat. Ils étaient trois à être sûrs de pouvoir aller en secondaire, un qui n’aurait pas cette chance et Timothy en attente. Patrick avait hâte d’être à la rentrée, même s’il voulait pouvoir jouer avec ses amis. Il était officiellement un « grand » maintenant.
    Il avait l’impression de le ressentir lorsqu’il voyait les enfants de moins de cinq ans. Il leur en voulait moins de se faire adopter alors qu’il était enfermé ici jour après jour.
    Il pouvait accepter qu’il ne sortirait d’ici que lorsqu’il aurait dix-huit ans. Ça ne le dérangeait plus.
    C’est la tête pleine de belles idées qu’il se rendit dans la cour. On y accédait par une petite pièce à l’arrière du grand bâtiment de l’orphelinat.
    En cette période de l’année, la pelouse si verdoyante était couverte de belles pâquerettes et de quelques boutons d’or. Même pour lui, c’était un merveilleux spectacle que ce blanc et ce jaune dans cette étendue verte.
    Patrick vint se mêler à une de ces nombreuses parties de football que les orphelins jouaient inlassablement. Il n’était peut-être pas très doué, mais il aimait ça. Il savait donner la balle à ses coéquipiers pour qu’ils puissent marquer de beaux buts. Il savait courir plusieurs fois le long de ce terrain, il avait l’endurance pour le faire.
    Julien, un de ses amis les plus proches, lui envoya le ballon. Il prépara son pied pour l’arrêter et le renvoyer à un autre coéquipier mais il se figea. La balle roula dans les fleurs.
    - Patrick !! protestèrent ses amis.
    Le garçonnet rit, gêné, puis courut. Non pas vers le ballon mais vers la barrière. Il y avait là une personne qui tenait trois caisses à bout de bras. Sa vue était presque bouchée. Patrick enjamba la barrière, bien que Miranda n’aimait pas ça, et trottina jusqu’à lui.
    - M’sieur, j’peux vous aider ?
    - Pardon ? s’étonna l’individu à qui il s’adressait.
    Patrick s’empara d’une des boîtes de mot d’ordre. Il ne put que souffler, c’était assez lourd. Toutefois, il cacha ce petit « souci ». Il sourit de toutes ses dents au bienfaiteur.
    - Oh, bonjour.
    Sa vue débouchée, il venait de reconnaître Patrick.
    - Tu as passé une bonne journée ? interrogea l’homme.
    - Oui ! J’ai réussi mon CEB ! claironna-t-il. Je l’ai ! Soixante-trois pour cent !
    Patrick fut surpris de raconter cela à cet inconnu. Mais c’était vrai qu’il était très content de cette réussite. Non seulement il devenait un « grand » mais il avait aussi eu de très bon résultat. Pas les meilleurs, loin de là. À son avis d’enfant, il avait quand même eu assez de point pour pouvoir en être fier.
    - Vraiment ? Mes félicitations !
    - Merci !
    Patrick regarda la caisse qu’il portait. Il se demandait quel genre de bonne nourriture il pouvait y avoir dedans. Il trouvait qu’on mangeait très bien dans cet orphelinat, comparé à d’autres, comme ceux dans lesquels il avait vécu, qui manquaient cruellement de moyen.
    Peut-être était-ce grâce à ce bienfaiteur ? Il l’espérait ! Mais une fois encore… il ignorait pourquoi.
    Ils allèrent jusqu’au bâtiment principal. Patrick tint la porte ouverte pour que l’homme puisse passer. Il l’accompagna ensuite jusqu’au bureau de la gérante où ils posèrent leur fardeau.
    - Merci beaucoup, mon p’tit bonhomme. Comment t’appelles-tu ?
    - Patrick Duguay m’sieur. Mais c’est provisoire pour le Duguay ! Enfin…
    Il eut un petit gloussement nerveux qui fut accueilli par un sourire doux de l’inconnu. Il se pencha pour être à son hauteur.
    - C’est un très joli prénom. En plus, c’est celui du Saint-Patron de mon pays natal.
    - Cool ! s’écria le gamin.
    Le bienfaiteur sourit et se redressa. Il tapota les trois caisses.
    - Je te laisse t’occuper de ça. Tu préviendras madame Bousman, d’accord ?
    - Oui, m’sieur !
    Il sourit de toutes ses dents.
    - Profite de tes vacances. Tu les as bien méritées.
    L’homme lui ébouriffa les cheveux puis sortit de la demeure. Patrick trottina jusqu’à la porte et le regarda partir. Il se souvint de la partie de football en cours dès que l’inconnu, qui ne l’était plus tant, eut disparu au coin de la rue.
    Il s’empressa alors de rejoindre ses amis dans le jardin. La partie avait déjà recommencé. Julien envoya la balle dans les pieds de Marc puis rejoignit son ami. Il fit une moue.
    - Pourquoi tu nous as lâchés comme ça ? demanda-t-il.
    - J’sais pas… j’ai vu cet homme… il vient apporter de la nourriture. M’dame Bousman dit que c’est un bienfaiteur. Il est gentil… moi je l’aime bien.
    - Tu l’as souvent vu ? questionna son ami, soucieux.
    - Non. C’est ça qu’est le plus bizarre.
    Patrick se frotta la tête, gêné, en rigolant. Tout ça devenait très étrange. Mais il appréciait beaucoup cette personne, malgré qu’il n’ait passé que quelques poignées de minutes ensemble en tout et pour tout.

    Miranda Bousman était devant son bureau où étaient posées les boîtes en cartons. Elle était surprise qu’il n’y ait personne pour la tenir au courant de ce qu’il en était. En général l’homme qui venait les lui apporter aimait parler avec elle. Il en profitait souvent pour lui dire ce qu’il y avait dans chacune. Ainsi, elle n’avait pas à s’embêter à les ouvrir avant d’être dans la bonne pièce. Ça réduisait le travail et évitait les « risques » de pertes.
    La gérante savait que ça venait du « bienfaiteur », comme elle aimait l’appeler pour le taquiner. Elle le remarquait à l’adhésif rouge qui couvrait tous les trous dans le carton. Il prenait toujours des caisses délaissées au supermarché, les remplissait au maximum puis les fermait du mieux qu’il pouvait.
    - Il a probablement dû prévenir un enfant, soupira-t-elle doucement.
    Les orphelins jouaient tous dehors par cette belle après-midi de fin juin. Elle comprenait qu’ils aient pu oublier de la prévenir. Ils le feraient plus tard. Sinon, tant pis.
    Pour une fois, elle pouvait bien ouvrir toutes ces caisses. C’était un peu comme si elle participait à une quelconque chasse aux œufs.
    Ça faisait bien longtemps qu’elle était trop âgée pour le Lapin de Pâques.

     


    Le soir venu, Patrick avait le plus gros et plus vieux dictionnaire de l’orphelinat dans ses bras. Il était ravi que Miranda le lui ait prêté. Il avait dû promettre trois fois qu’il y ferait attention et qu’il le rendrait au plus tôt. Il estimait que ce petit contrat oral n’était pas une grande contrainte. Surtout qu’il voulait absolument savoir de quel pays était originaire le bienfaiteur. Encore et toujours, il ignorait pourquoi savoir tout cela l’obsédait tant.
    Il se disait que savoir sa nationalité les rapprocheraient. Mais pourquoi vouloir être plus proche d’un inconnu ?
    Feuilletant le dictionnaire, il trouva bientôt la partie « nom propre ». Il put alors aller à la lettre « P ». Il y découvrit, avec joie, Saint Patrick. Il sourit en voyant alors qu’il s’agissait là du Saint-Patron de l’Irlande. Cela voulait dire que le donateur était Irlandais d’origine, ou avait toutefois vécu longtemps dans ce pays s’il n’en avait pas la nationalité.
    Il se demandait alors quel nom il pouvait avoir. Est-ce qu’il en avait un à connotation irlandaise ou était-il commun ?
    Il posa le dictionnaire sur le sol avec grand soin. Il le rendrait demain. Il n’avait pas envie de prendre le risque d’être puni parce qu’il était en bas alors qu’il devait être dans sa chambre. Couché de préférence.
    Il se glissa sous le fin drap de son lit.
    Il continuait de se demander la même chose qui revenait sans cesse : pourquoi est-ce qu’il s’intéressait tant à cette personne qu’il ne connaissait même pas ? Pourquoi lui restait-il continuellement en tête, presque de façon obsédante ?

     


    Quelques jours plus tard, Patrick attendait dans l’entrée le retour du bienfaiteur. Il ne pensait plus qu’à le rencontrer une nouvelle fois. Il voulait le voir pour lui parler, pour savoir comment il allait, connaître ses goûts et ses dégoûts.
    Cela inquiétait Miranda. Elle trouvait que l’enfant avait l’air de dépérir. Elle avait crainte que ce soit l’environnement de l’orphelinat qui faisait cet effet à Patrick. Il était ici depuis six ans maintenant. Elle l’avait recueilli à la fermeture d’un autre établissement du genre. Déjà qu’il était celui qui avait vécu le plus longtemps avec elle. Ainsi, la gérante craignait que ce fût la raison pour laquelle il ne prenait plus plaisir à vivre ici. Rester trop longtemps dans ce genre d’endroit devait être néfaste.
    Patrick bondit sur ses pieds lorsqu’un homme rentra dans le bâtiment. Il portait des caisses qui cachaient presque sa vue. C’était bien celui qu’il attendait. Le garçon sourit de toutes ses dents et vint lui prendre un peu de sa charge pour la poser à l’endroit habituel.
    - J’ai trouvé m’sieur !
    - Quoi donc ? sourit l’homme.
    Ce dernier ouvrit une boîte en carton et il en sortit un petit tupperware transparent. Dedans, il y avait des cupcakes au glaçage d’un beau vert. On aurait dit de la pelouse et il y avait même un petit mouton en pâte à sucre sur chacun. Patrick prit la pâtisserie que le bienfaiteur lui tendit avec de grands yeux surpris. Il se demandait comment il pourrait seulement oser manger cela. C’était trop beau !
    - Je… j’ai trouvé que vous étiez Irlandais ! Moi, j’ai toujours vécu ici en Belgique et… vous ?
    Pourquoi se sentait-il si ravi de pouvoir converser avec lui ?
    Le bienfaiteur mit un genou à terre, souriant.
    - Irlande, France et Belgique pour ma part.
    - Vous avez beaucoup voyagé !
    - Pas tant que ça.
    - Moi, j’ai voyagé nulle part, avança Patrick.
    - C’est sûr que comparé à toi, j’ai beaucoup voyagé.
    Il lui caressa les cheveux avec un grand sourire tendre aux lèvres. Patrick s’en sentait rassuré et apaisé. Il aimait cette sensation.
    Lorsqu’il parlait avec ses amis de l’école, ils lui racontaient ce que ça faisait d’avoir des parents. Lui avait perdu les siens à trois ans dans un malheureux accident de voiture. Il avait été dans deux orphelinats avant celui-ci.
    Alors les parents, les oncles, les tantes et les frères et sœurs ça le faisaient rêver. Il voulait connaître la douceur d’une maman, l’autorité d’un papa ou encore les chamailleries avec ses aînés ou cadets. C’était des choses qu’il enviait. Chose qu’il avait fini par accepter de ne pas avoir.
    Pourtant avec le donateur, il avait l’impression d’avoir le droit d’avoir une famille.
    Ça le faisait réaliser que l’amour ne devait pas forcément être issu de deux personnes. Ni même de personnes de sexes différents.
    - M’sieur ? Pourquoi vous apportez toujours tant de nourriture ? C’est très gentil, mais j’me demande !
    - Oh… c’est parce que j’ai vécu quelques années ici.
    Patrick le regarda avec des yeux ronds comme des soucoupes.
    - Vous êtes orphelin aussi ? s’étonna l’enfant.
    Le sourire de l’homme fut un peu plus triste mais il hocha la tête. Il lui caressa de nouveau les cheveux. Il se redressa et posa sa main sur les boîtes en carton.
    - Ça, c’est tout ce que je peux faire pour des personnes qui ont tant fait pour moi. Je n’avais pas ton âge quand je suis venu ici.
    - Vous avez été adopté ? s’enquit Patrick, rêveur.
    - Par mon oncle. Mais… je te souhaite d’être adopté par une vraie famille qui t’aimera ! Je sais que tu le mérites !
    - Merci.
    Patrick eut un sourire triste. Il prit le mouton en pâte à sucre pour le porter à sa bouche. Il mordit dedans puis sourit. C’était délicieux ! Mais là, le talent n’était remarquable qu’à la forme exceptionnelle de la friandise.
    - Je vais rentrer chez moi. Je te souhaite une bonne journée. Tu devrais t’amuser avec tes amis au lieu de m’attendre bêtement.
    Patrick songeait qu’il n’avait pas envie d’aller rejoindre ses amis pour s’amuser avec eux. Il préférait patienter jusqu’au retour de cet homme qui le rendait heureux tout en le fascinant. Il était simple, gentil, rayonnant.
    Pourtant, il ressentit le besoin d’aller dehors avec ses camarades. C’est ainsi qu’il sortit de la pièce pour aller jusqu’à celle qui donnait sur le jardin. Les filles jouaient à la marelle lorsqu’elles étaient jeunes ou encore à chat et cache-cache. Par contre, celles plus âgées discutaient de sujets divers et variés. Les garçons, eux, se passaient le ballon, quel que soit leur âge. Il s’approcha alors de ses amis.
    Julien lui fit signe de venir vers lui et lui lança la balle dès qu’il fut assez proche. Patrick la contrôla puis la renvoya vers Jeremy, souriant.
    Il avait eu raison d’écouter l’homme. Jouer, ça faisait toujours du bien ! Il était content de pouvoir partager cette partie avec tant d’enfants qu’il appréciait.
    Toutefois, se distraire ainsi avec eux lui rappelait qu’il rêvait d’être adopté depuis la fin de l’année scolaire. Il avait cru avoir oublié cette envie mais elle lui revenait, subite.
    Elle était beaucoup plus précise que ce qu’il avait désiré pendant neuf ans.
    Il avait peu connu ses vrais parents, il rêvait de pouvoir vivre pleinement cette sensation. Mais d’une certaine façon…

     


    Deux jours plus tard, Miranda rentra dans la chambre de Patrick.
    Elle vint secouer l’enfant pour le sortir de son lit. Pataud, le garçon se frotta les yeux. Il dissimula péniblement un bâillement dans le creux de sa main puis s’obligea à se lever.
    - M’dame… on est en vacances, se plaignit-il.
    - Oui, mais on a une surprise pour toi ! Il faut que tu te prépares ! Lave-toi le visage, décrasse-toi derrière les oreilles et enfile tes plus beaux habits, encouragea-t-elle.
    Patrick n’en avait pas envie. Il se tourna vers son lit qui était fort tentant. Malheureusement, madame Bousman était têtue, bien plus que lui. De quelques mouvements habiles, elle le tira loin de ses draps et de son matelas si agréable. Elle le poussa vers la salle de bain en lui faisant signe de « chhht ». Timothy dormait encore.
    Le garçon s’obligea à sourire puis se rendit dans la pièce désignée où il mit beaucoup de temps à se préparer. Il n’avait pas envie de faire d’effort et il pouvait un tout petit peu se rebeller. Il trouvait plaisant de pouvoir montrer son désaccord quand ça ne faisait de mal à personne et qu’il exécutait tout de même ce qu’on lui demandait.
    C’est ainsi qu’il descendit, après vingt-cinq minutes, portant ses plus beaux vêtements. Il trouvait qu’ils lui donnaient l’air d’un pingouin.
    Dès qu’il arriva dans le hall, il remarqua un couple.
    Il pensa directement qu’ils étaient très beaux : L’homme portait un costume bleu qui lui allait magnifiquement bien. Il avait des cheveux noirs parfaitement peignés et des yeux verts brillants. La femme, quant à elle, était habillée d’un tailleur rose délicat. Sa longue chevelure blonde coiffée d’une façon recherchée et exquise. Ses yeux étaient d’un beau noir, ni trop doux, ni trop sec.
    On aurait dit un couple directement sorti des séries télévisées que madame Bousman aimait tant.
    Miranda vint près de Patrick. Elle lui mit la main sur l’épaule, affichant un large sourire.
    - Voici les Martin. Ils aimeraient adoptés quelqu’un de ton âge. Je leur ai dit que tu serais ravi d’avoir une famille rien qu’à toi.
    Le couple sourit à l’enfant. La femme s’accroupit et lui caressa les cheveux comme s’il était un petit animal. Le garçon essaya de sourire. Il trouvait étrange cette façon d’agir, surtout lorsqu’on voulait adopter des enfants.
    Patrick les regarda. L’homme affichait un grand sourire mais ne venait pas plus vers lui. Il le trouvait embarrassé face à lui. Ça le faisait se sentir mal, lui aussi. Il pouvait les comprendre. Il était un peu intimidé face à eux.
    Ce qui était d’autant plus étrange parce qu’il n’avait pas du tout eu cette désagréable sensation avec l’Irlandais. Pourtant, la rencontre avait été plus soudaine.
    C’était étrange… Hier encore, il pensait à se faire adopter. Mais maintenant qu’il était devant ce couple parfait, il n’en avait plus envie. Il avait l’impression qu’avec eux, il ne serait pas à sa place, lui qui était si banal. Il ne ressentait pas la petite étincelle qui lui laissait croire que c’était la famille qu’il lui fallait.
    Il afficha une petite moue mais s’obligea à aller vers eux. Il ne voulait pas décevoir Miranda. La femme qui l’adopterait peut-être lui prit la main et l’emmena jusqu’aux divans qu’il y avait dans l’entrée. Ils étaient prévus à cet effet.
    Patrick prit place et les regarda l’un après l’autre.
    - Je m’appelle Patrick.
    - Je suis Martha et voici mon mari, Charles.
    - Bonjour… Pourquoi vous voulez un enfant de douze ans ? Vous n’avez pas envie de faire son éducation ? Vous voulez pas le changer quand il remplit sa couche ? Ça je comprends ! Miranda des fois elle doit s’occuper des bébés, mon dieu que ça schlingue ! s’écria le garçon.
    Martha eut un gloussement nerveux alors que Charles laissa échapper un petit rire. Voilà un enfant qui restait au moins naturel. Il espérait seulement que son franc parlé ne serait pas trop envahissant.
    - Et pourquoi venir pendant les vacances ? C’est pas mieux au début de l’année scolaire ?
    - Imagine ! On pourrait t’emmener en voyage ! s’enthousiasma Martha.
    Patrick retint une moue incrédule. Il ne voulait pas être adopté par eux ! Il fallait qu’il trouve un moyen pour que ce couple ne veuille plus de lui. Il agita les pieds dans le vide en faisant de désagréable bruit avec la bouche.
    La femme prit la main de son mari à qui elle offrit un sourire rassurant.
    - Vous êtes riches ?! Parce que si oui, ce serait cool ! Vous vous rendez compte, vous pourriez m’acheter tout ce que je veux ! Jonas dans ma classe, ses parents sont riches, c’est toujours lui qui a les plus belles affaires. C’est dommage qu’il aille en secondaire à Liège, j’aurais pu avoir du plus beau matériel que lui et le rendre jaloux ! Mais peut-être que vous habitez à Liège ?
    - N… Non… chuchota Martha, troublée.
    - Non quoi ? questionna Patrick.
    - Excuse-nous, dit-elle.
    Elle se leva et se rendit auprès de Miranda avec son mari. Patrick retint un sourire en la voyant rebrousser chemin si rapidement. Il la regarda discuter avec la gérante. Il vit la vieille femme afficher quelques fois un air surpris avant qu’elle ne raccompagne les époux à la porte.
    Patrick attendit sagement dans son fauteuil. Il ferma tout de même les yeux alors que le bruit des pas de madame Bousman se rapprochait.
    - Patrick ! Qu’est-ce qui t’a donc pris ? Ce couple semblait ravi quand ils t’ont vu ! Que leur as-tu dit ?
    - Je leur ai demandé s’ils étaient riches. C’est mal ? demanda-t-il, innocemment.
    - Bien sûr… tu as perdu une occasion en or, se désola-t-elle. Tu sais bien qu’il ne faut pas se comporter de la sorte. Pourquoi as-tu fait ça ? Tu ne veux plus être adopté ? questionna-t-elle.
    - Si, bien sûr que si ! protesta Patrick.
    Il avait même une très bonne idée de la personne qui pourrait le recueillir chez lui.
    Miranda soupira puis lui caressa doucement la tête. Elle supposa que l’enfant avait simplement été déstabilisé par des futurs parents aussi imposants pour un jeune enfant. Elle savait bien qu’ils ne ressemblaient pas à l’image que les petits se faisaient d’un père ou d’une mère.
    Malheureusement, peu de personne voulait bien d’une fille ou d’un fils qui avait déjà atteint les douze ans. Surtout que les frais qui allaient avec les études secondaires étaient assez importants.
    Elle avait mal au cœur pour Patrick qui avait juste pris peur au mauvais moment. Elle s’en voulait un peu. Elle aurait dû être là pour lui. Elle aurait dû rester à son côté pour l’assister au lieu de le laisser seul face à des inconnus.

    Miranda Bousman était au téléphone, faisant ce qu’elle détestait : rappeler famille sur famille dans l’espoir qu’ils seraient suffisamment désespérés pour adopter. Il y avait beaucoup de couple qui souhaitaient adopter un adorable bébé et finissait par ne pas pouvoir le faire. Surtout parce qu’il n’y en avait pas tellement et que la liste d’attente était très longue ou qu’il devait se tourner vers l’étranger.
    Lorsque le besoin d’enfants se faisait trop pressant, ils finissaient par chercher des enfants de plus en plus âgés. Le désir d’avoir un petit être à aimer était à ce moment bien plus présent que simplement vouloir avoir un nourrisson.
    En général, Miranda essayait de ne pas le faire, de peur que l’amour ne soit pas aussi fort. Elle craignait par-dessus tous les risques qu’un enfant qu’on aurait choisi, presque par désespoir, soit maltraité.
    Seulement, il fallait absolument qu’elle trouve une famille pour Patrick. Il fallait qu’elle l’arrache de cet endroit qui ne lui causait plus que du mal, elle voyait bien qu’il dépérissait jour après jour.
    - Allô Madame Joly ?
    - Oui ? C’est bien moi.
    - Je suis Miranda Bousman, de l’orphelinat Baudoin 1er, il y a deux ans, vous cherchiez des enfants. Si vous le désirez toujours, j’ai ici un garçon de douze ans qui attend une famille aimante.
    - C’est vrai ? Ce n’est pas vraiment ce que nous avions imaginé avec mon mari… mais nous pourrions essayer de le voir. Peut-être qu’il nous conviendra, supposa-t-elle avec un léger sourire.
    - Merci beaucoup ! s’enthousiasma la gérante.
    À chaque fois qu’elle avait ce genre de réponse, que ce soit pour Patrick ou pour un autre, elle ne pouvait qu’être heureuse. Elle aimait tous ces enfants mais elle ne pouvait se résoudre à vouloir qu’ils restent avec elle…
    C’était le plus grand malheur d’une gérante d’un orphelinat.
    Même si elle était ravie d’en revoir de temps en temps. Tout comme elle adorait voir chez elle si souvent son bienfaiteur maintenant qu’il était grand.

    Quelques heures plus tard, Patrick était assis dans le divan, face à un autre couple. Emma et Victor Joly. Bien moins imposant que Martha et Charles Martin. Ils étaient bien plus proches de ce qu’il espérait dans une famille. Dans leur attitude et leur physique, Patrick retrouvait ce qu’il aurait tant souhaité chez un parent.
    Mais il y avait un souci avec ces potentiels parents : ils n’étaient pas ceux qu’il attendait.
    Ainsi, il décida de faire autre chose que ce qu’il avait fait la première fois. Surtout que, comme promis, Miranda l’accompagnait.
    Il s’enfermait alors dans le mutisme, ne répondant pas aux questions. Il regardait ci et là de façon aléatoire.
    - Enfin, Patrick… dit quelque chose ! soupira la gérante, dépitée.
    L’enfant lui porta un regard puis ferma les yeux. Intérieurement, il s’en voulait un tout petit peu. La vieille femme était douce et gentille. Elle prenait de son temps pour l’aider et lui, il ne faisait rien. Il devait lui donner l’impression qu’il se moquait d’elle.

    En plus…
    Cela se reproduit, par trois fois encore.
    Des parents de secondes mains qui se retrouvaient face à un enfant qui ne semblait pas connecté à leur monde. Des couples perdus lorsqu’ils se trouvaient face à un garçonnet aux passions déroutantes.
    Miranda s’inquiétait de plus en plus du comportement de son petit protégé.

     


    - Ah ! Te voilà !
    Miranda s’empressa de descendre les marches pour rejoindre le bienfaiteur qui venait apporter des caisses pleines. Il faisait cela tous les quatre ou cinq jours environs. Pour une fois, Patrick n’attendait pas comme une âme en peine. Julien avait réussi à l’emmener dans le jardin où ils jouaient une partie de football filles contre garçons.
    L’homme posa les cartons remplis de nourriture ou de vêtements pour agiter la main. Souriant, il vint jusqu’en bas de l’escalier.
    - Je t’attendais plus tôt.
    - Pardon, j’étais pris dans la préparation d’un soufflé au chocolat, sourit l’homme.
    - Je comprends. Merci encore pour toutes ses provisions. Tu n’es pas obligé.
    - Je ne le fais pas par obligation, assura-t-il, la joie emplissant son visage. Comme tu le sais… ce n’est pas la nourriture qui me manque.
    Miranda sourit. Il la raccompagna jusqu’au bureau où elle prit une chaise pour s’installer. Elle était fatiguée. Elle se faisait de plus en plus âgée après tout.
    - Qui aurait cru, quand tu es arrivé à l’orphelinat, que tu deviendrais un cuisinier.
    Elle ne put que glousser en regardant les enchevêtrements de boîtes.
    - Et que tu nous offrirais tous les surplus de ton restaurant !
    - Je préfère quand je vous achète des aliments frais, c’est plus sain… et plus respectueux.
    - Ne dis pas de bêtises ! Du respect, tu en as plus qu’on le croirait.
    Une étincelle amusée passa dans les yeux bleus profonds.
    - Même quand tu nous donnes des secondes mains, c’est respectueux. Nous en avons besoin et nous sommes ravis de ton aide. Surtout quand tu ne dépenses pas bêtement ton argent pour ça !
    - Pas bêtement ! protesta l’Irlandais.
    Miranda chassa cette réponse en agitant la main.
    - J’ai une question pour toi… dit-elle.
    Le cuisinier se désigna du doigt, surpris.
    - Oui… je suis navrée de te demander cela. J’ai remarqué que tu parlais souvent avec Patrick Duguay.
    - Ce gamin est adorable ! sourit le bienfaiteur.
    Miranda hocha distraitement la tête.
    - Bien sûr… très adorable même…
    Patrick ne l’était plus tant depuis un moment, surtout en présence d’étranger. Elle savait tout de même que son cœur restait bon et pur.
    - Un souci ? s’inquiéta-t-il.
    - Depuis quelques temps, je lui trouve des familles aimantes susceptibles de l’adopter mais, à chaque fois, il se comporte mal. Il me jure qu’il veut une famille mais il agit comme si c’était le contraire. Je suis dépassée avec lui. Et puisque vous discutez souvent ensemble, je pensais que tu aurais pu avoir des explications… ou remarquer quelque chose ?
    L’homme secoua la tête, l’air navré.
    - Il est toujours très tendre et rayonnant en ma présence. Et on se fait souvent des câlins !
    - C’est mignon, sourit Miranda.
    - Je trouve aussi.
    L’Irlandais tapota gentiment les cartons, affichant un large sourire sur les lèvres.
    - Si tu le souhaites, pendant que tu te charges de ça, je vais aller lui parler. Vu qu’on s’entend bien, il pourrait me dire ce qui ne va pas.
    - Excellente idée.
    Elle lui prit les mains et sourit de toutes ses dents. Un grand « merci » pouvait se lire dans son regard. Elle était ravie qu’elle ait quelqu’un qui puisse l’aider. Le comportement de Patrick commençait à la désespérer.

     


    Patrick allait recevoir la balle lorsqu’il se tourna, ayant une drôle d’impression. Il irradia en voyant le donateur descendre le perron qui menait au jardin. Il se reçut le ballon sur la tête et vacilla. Heureusement, l’homme le rattrapa, arrêta la balle du pied et la renvoya vers un des enfants.
    - Pardon, chuchota le lanceur.
    - C’est ma faute, rit Patrick en se frottant le crâne.
    Il redressa la tête pour offrir un large sourire au bienfaiteur. L’homme lui prit la main et l’entraîna un peu plus loin. Une fois encore, il se mit à son niveau en s’accroupissant. Il avait un air soucieux sur le visage.
    - Tu es sûr que tu ne t’es pas fait mal ?
     Ne vous inquiétez pas, je vais très bien ! Par contre, je suis un peu triste de ne pas avoir pu vous aider… se désola l’enfant.
    - C’est très gentil mais j’ai l’habitude, tu sais.
    - J’avais jamais remarqué que vous veniez si souvent avant ! Mais je suis bien content d’avoir fini par le voir !
    L’Irlandais rit gentiment. Il resta silencieux quelques secondes, cherchant comment aborder le sujet.
    - J’ai discuté avec Madame Bousman…
    Patrick se fit silencieux. Il avait peur de ce que la gérante avait pu dire. Est-ce qu’il allait arriver à son but ou tout du contraire ?
    - Elle est très triste de ton comportement, tu sais ?
    - Je suis désolé…
    - C’est à elle qu’il faudra présenter tes excuses. C’est elle que tu attristes.
    Patrick hocha piteusement la tête.
    - Pourquoi est-ce que tu agis ainsi ? Elle dit que tu te comportes comme si tu ne voulais pas être adopté… est-ce vrai ? Lui dis-tu que tu le souhaites pour lui faire plaisir ?
    - Non m’sieur… c’est juste que je veux pas être adopté par eux…
    - Tu devrais leur laisser leur chance. Ce n’est pas en quelques secondes que l’on sait si la personne est celle qu’il nous faut.
    - Si ! C’est déjà arrivé. J’ai trouvé la personne parfaite ! assura Patrick.
    Le bienfaiteur eut un doux sourire en lui caressant la tête. Il espérait que son cœur n’avait pas été brisé par un refus. Ou encore en voyant un ami être adopté par le « couple parfait » à sa place.
    - Et alors ? osa doucement l’homme.
    - Je lui ai pas encore demandé.
    L’adulte pencha la tête sur le côté.
    Patrick donna des petits coups dans le sol, faisant voler un peu de poussière. Il baissa la tête, les joues rougies. Il n’aurait pas cru que ce serait si difficile.
    - En fait… c’est…
    Le garçonnet toussota dans sa main. Il se sentit réconforté lorsque la main de l’homme se posa sur son épaule. Ses encouragements muets fonctionnèrent très bien puisqu’il trouva toute la force dont il avait besoin !
    - En fait… j’aimerais beaucoup que vous m’adoptiez !
    - Moi ? s’étonna l’aîné.
    - Oui… je vous aime beaucoup… et on s’entend bien.
    - C’est vrai qu’on s’entend bien.
    - Et vous m’aimez bien ? chuchota l’enfant.
    Il osait à peine prononcer les mots. Ça lui ferait bien trop de mal que l’homme lui réponde « non ».
    Mais le bienfaiteur afficha un grand sourire en lui caressant les cheveux.
    - Bien sûr que oui. Qui n’aimerait pas un garçon aussi adorable que toi ?! s’enthousiasma-t-il.
    Patrick le regarda avec un espoir retrouvé.
    - Alors… vous voulez bien m’adopter ? Ça serait magnifique !
    - D’accord.
    Patrick serra sa main sur celle de l’homme, fébrile.
    - C’est… c’est oui ? balbutia-t-il, rêveur.
    - Oui ! Je veux t’adopter ! s’amusa l’adulte. Et puisque je veux t’adopter, tu pourrais me tutoyer, ce serait mieux, non ?
    Fou de joie, l’enfant se jeta dans ses bras pour se blottir tout contre lui. Il s’imaginait déjà ce que serait la vie avec lui.
    - M’sieur ! Une dernière chose !
    - Oui ?
    - Je t’ai jamais demandé… quel est ton nom ?
    L’homme rigola puis posa un baiser sur le front de son futur fils. Patrick le trouva doux et chaud. Il ne put que sourire en le sentant contre sa peau. Le « smack » désagréable n’avait même pas effet sur lui. Au contraire, il était ravi de l’entendre.
    - Nollaig O’Ceallaigh.
    - Waouah… c’est dur à dire ça ! se plaignit le garçon.
    L’homme rit de plus belle avant de le serrer contre lui dans une tendre accolade. C’est avec grand plaisir que le petit se blottit contre Nollaig, ravi de connaître enfin son nom. Même s’il était dur à prononcer.

     


    Patrick avait hâte de raconter tout cela à Jérôme… pour une fois, ce ne serait pas son meilleur qui aurait les plus belles histoires à raconter. Lui qui avait toujours un million d’aventures à relater !
    Être adopté par Nollaig était, pour lui, la plus grande aventure qu’il puisse vivre ! Années scolaires et vacances confondues.
    Patrick était maintenant convaincu que le « couple parfait » auquel rêvent tous les orphelins n’est pas toujours un couple. Au contraire, ça pouvait être un homme seul ou une femme célibataire. L’âge non plus n’avait pas d’importance.
    Cet être qu’il avait vu comme un bienfaiteur puis comme un ami était ses parents parfaits à lui.
    Nollaig qu’il avait déjà décidé d’appeler « papa ». Surtout que c’était bien facile à dire que « m’sieur O’Ceallaigh ».


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