• Chapitre 12 : Apparence.

     

    - Pitié ! Dites-moi que je peux encore conjurer cela !

                Il se reçut des regards surpris de tous ses collègues, sauf Faustine. Celle-ci ricanait en notant de choses sur un papier. Elle se reçut un regard noir de Jean-Marc qui l’ignorait. Mathias applaudissait de plus belle, maintenant debout.

    - Je ne vais pas écrire la suite ! Hors de question ! Je ne veux pas !

                Mais c’était trop tard. Le corps prenait forme. Et il reçut deux regards on ne peut plus réprobateur. Celui de Mathias et celui de Faustine.

                La forme qui était face à eux n’avait rien à envié à la beauté folle et ravageuse de Mathias, tout au contraire. Un corps féminin, bien formé. Des grands yeux bleu profonds, un visage rond, un sourire tendre et doux, une peau ni trop pâle ni trop bronzé. Elle avait de très longs cheveux brun striés de bandes blanches. Des oreilles de furet sortait de sa chevelure. Une longue queue touffue s’enroulait autour de ses jambes. C’était plutôt facile fut qu’elle portait une robe ultra-courte avec une longue cape.

                Et il y avait autre chose : une paire de sein on ne peut plus opulent.

    - Sérieux ? Dirent Faustine et Mathias d’une même voix.

    - Un pervers je vous dis. Soupira Sullyvanne.

                Mathias fit la moue et retira sa robe, ayant un short dessous, pour le donner à son amie. Il croisa ensuite les bras devant son torse mal à l’aise. Faustine s’empara de son cahier et écrivit rapidement quelques mots. Le travesti eut un soupir rassuré dès qu’une robe chinoise enserra ses formes.

                La création de Jean-Marc enfila la robe alors qu’Armand Jones, professeur d’anglais, vint vers lui.

    - Il faut que tu ailles chercher une ordonnance auprès d’un médecin… il te faut des antidépresseurs Jean-Marc… ça ne va vraiment pas. Remarqua-t-il.

    - C’est vrai qu’en ce moment, je suis un peu plus mal. Je viens de finir un roman et… stress d’auteur. Rit-il.

    - Je ne connais pas ça. Tu vas en faire une pièce de théâtre ?

    - Pourquoi pas ? Rigola-t-il, suivant son ami jusqu’à son bureau.

                Faustine soupira fortement alors que Mathias aidait sa comparse a ajusté la robe.

    - Il y a des règles ? Demanda-t-elle.

    - Pas vraiment, reste près de ton auteur, c’est le mieux.

    - Ok ! S’il veut bien de moi. Rit-elle.

    - Visiblement, il t’a fait à son goût. Marmonna Faustine.

    - Oui. Ricana nerveusement la semi-furette.

    - Bon courage. Lui sourit Mathias.

                La demoiselle hocha la tête en s’efforçant de sourire. Elle savait bien que Jean-Marc n’était pas toujours très gentil. Et il n’était pas emballé par l’idée d’avoir une création avec un corps. Elle se sentait un peu rejeté.

                N’ayant pas envie de rester là, elle s’en alla et elle se mit à flâner un peu partout.

     

                Sullyvanne était assise dans le divan pendant que Jean-Marc terminait la préparation de son poisson en papillote.

    - On va pouvoir travailler alors ? Sourit-elle, admirant le tissu de la robe de son ami.

                Elle était sûre de pouvoir l’appeler de la sorte à présent.

    - Oui. Sort ma machine à écrire.

                La demoiselle se leva et courut vers la nouvelle machine. Les lettres étaient moins grippées sur celle-là, ça facilitait l’écriture même si ça donnait moins l’impression d’écrire comme « au bon vieux temps ». Malheureusement, elle avait oublié ce que Mathias lui avait déjà signalé : elle n’arrivait pas à le toucher.

    - Je ne peux pas le prendre.

                Le professeur soupira puis vint la chercher et la posa sur son bureau. Il s’assura qu’il était exactement comme il voulait le voir puis retourna s’occuper de son repas. Sullyvanne s’assit sur le bureau, juste à côté de la machine.

                Elle attendit un moment que Jean-Marc revienne. Il posa son assiette et se mit devant sa machine à écrire. Il commença alors à taper en mangeant son plat à intervalle régulier. Sullyvanne était surprise de sa méthode de correction mais elle savait aussi que son créateur avait des façons très atypiques de faire.

                Elle se disait qu’il y avait peut-être une liste de chose qu’il voulait corriger ou encore le listing des personnages. Une ligne de conduite etc.

                La page tardait à venir puisque l’homme continuait de manger. Sullyvanne trépignait d’impatience, agitant les jambes au rythme des clapotis sur les touches.

                Finalement, la première page fut tirée de la machine. Elle fut posée juste derrière la machine. La semi-furette put alors se pencher et elle lut ce qui avait été écrit sur la feuille.

     

    « Prologue

    Shona OCeallaigh se rendit immédiatement compte que quelque chose nallait pas. Il y avait quelque chose dans lair qui lui faisait comprendre que sa fille ne reviendrait pas.

    Elle ne lavait plus vue depuis seulement six heures, et pourtantpourtant il y avait quelque chose qui la houspillait.

    Elle avait cette certitude. Non à cause de la dispute avant que Sullyvanne nait dans sa chambre. Non à cause de son absence un peu trop prolongée…

    Juste par cette intuition quavaient les mères. »

     

    - C’est… la suite ? Demanda Sullyvanne, surprise.

    - C’est ce pourquoi tu m’as houspillé, non ? Répondit Jena-Marc. Avec tes idées !

    - … Mon dieu. Il faut vraiment que je demande de l’aide à Faustine…

    - Pourquoi ? Soupira l’homme. Qu’est-ce que j’ai encore mal fait ?

    - Tu ne vas pas écrire la suite alors que ton premier volet n’est pas corrigé ? Enfin… tu n’as pas de petites corrections à faire… ce sont de corrections suffisantes pour que tout change dans ton volet deux… d’accord tu peux mais tu te compliques la tâche.

    - Je ne vois pas pourquoi ? S’agaça encore Jean-Marc.

    - Parce que tu ne m’as même pas cerné. Gémit Sullyvanne.

                L’homme fronça les sourcils.

    - Comment pourrais-tu écrire sur ma personne sinon ? Si tu ne me connais pas ?

    - Mais si je te connais… tu… bon très bien ! Laisse-moi écrire maintenant !

                Sullyvanne soupira puis reprit sa lecture, se retenant de faire la moue ou d’agir comme une gamine. Ça aussi c’était un trait de son caractère. Mais son créateur n’en avait même pas conscience. Même avec ce corps, elle se sentait si… insignifiante.

     

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  • Chapitre 13 : Essai.

     

                Sullyvanne courrait dans les couloirs de l’école. Elle trouvait ce sentiment gratifiant. Elle pouvait réellement bouger son corps comme elle voulait, quand elle voulait. Elle n’avait qu’une limite : celle de son corps. Avec une poitrine si imposante, c’était des fois douloureux de courir ainsi.

                Elle traversa un mur puis l’autre jusqu’à trouver finalement ce qu’elle cherchait : Faustine et Mathias. Elle sourit de toutes ses dents.

    - J’ai déserté !

    - Déserté ? Rit Mathias, assis sur le bureau de sa créatrice, comme d’habitude.

                Comme chaque jour, il avait changé de vêtements, troquant les tenues plus longues pour celles qui étaient courtes.

    - Jean-Marc engueule sa voiture. J’avais besoin de votre aide ! Jean-Marc est en train d’écrire la suite… mais il ne me connaît pas… est-ce qu’il peut seulement continuer ?

    - Ça dépend. Supposa Faustine.

    - Je préfère être sûre… je veux pas qu’il me massacre moi. Bougonna Sullyvanne.

    - Je comprends. Répondit Mathias.

                Il sauta sur le sol et vint prendre son amie dans ses bras en souriant de toutes ses dents. Elle répondit par un sourire en se serrant un peu contre lui. Elle s’éloigna ensuite. Faustine prit quelques notes avant de sourire à son tour.

    - Je prendrais quelques mesures… mais faut pas s’attendre à grand-chose venant de lui.

    - N’est-ce pas ! S’écria Sullyvanne.

                Faustine eut un léger sourire puis elle reprit ses corrections, laissant les deux créations discuter ensemble. Ils avaient beaux faire tout le bruit qu’ils voulaient, personne ne les entendaient à part la femme.

                Elle était la seule à devoir supporter cela. C’était un mal pour un bien. Elle apprenait à oublier le tohu-bohu de ses étudiants par exemple.

     

                Le soir venu, Jean-Marc était celui qui accueillait sa collègue chez lui. Il avait fait un bon repas qu’il avait posé sur la table. Table qu’il n’utilisait jamais. À vrai dire, c’était comme s’il était en tête-à-tête avec Faustine. Il ne savait pas ce qu’il pensait d’elle, ni s’il l’appréciait vraiment. Mais il devait bien avouer qu’elle avait du charme avec ses grands yeux noirs, un point de beauté au coin de l’œil gauche.

    - J’espère que tu aimeras. Dit-il, rigide.

                Faustine lui offrit un léger sourire en retour. Elle avait presque l’impression que ses dents allaient faire des claquettes. Elle n’était pourtant pas si effrayante. Certes, elle savait que son air donnait des sueurs froides et qu’on la traitait souvent de pseudo-gothique, et ce malgré ses cheveux blonds, mais elle n’était pas effrayante, si ?

    - C’est gargantuesque comme repas. Scanda Sullyvanne en souriant de toutes ses dents à son créateur.

                L’homme sourit à peine.

    - Qu’est-ce que vous avez prévu ? Demanda-t-il.

    - Une interview ! Sourit Mathias.

    - Hein ? Fit Jean-Marc.

                Sullyvanne retint une pique du genre « on dit « pardon » », ne tenant pas à ce que ça se retourne contre elle.

    - Tu fais comme une interview à Sullyvanne et tu vois ses réponses. Ça suffira déjà à ce que tu la comprennes mieux. Et je pense que, pour toi aussi, ce sera plus agréable. Dis-toi qu’elle te houspillera moins. Avança Faustine.

    - Et qu’elle épargnera tes oreilles. Sourit Mathias.

    - Très bien…

                Jean-Marc avala un morceau tendre de poulet avant de se tourner vers sa création.

    - Bien euh… qu’elle est ta couleur préférée ?

    - Orange ! Sourit Sullyvanne.

                Faustine prit un petit cahier fais main et elle le jeta à Jean-Marc. Celui-ci le prit en la remerciant vaguement. Il récupéra un stylobille et prit note. Il ne savait pas à quoi ça rimait mais s’il pouvait mettre tout le monde d’accord, ce serait déjà plus évident.

    - Quel est… ton animal favori ?

    - Hm… le homard dans mon plat et le lapin dans mes bras ! Rit-elle.

    - Tu cuisinerais du homard ? Demanda Mathias tandis que sa créatrice mangeait.

    - Vui ! C’est un plat comme un autre. Répondit Sullyvanne.

    - J’vois… bon à savoir ! Tu es un monstre impitoyable !

                La demoiselle rit à cette réponse alors que Faustine ne pouvait s’empêcher de sourire, pour sa part.

    - Bien… quels sont tes rêves et aspirations ?

    - Hm… voyons… Au prime abord, ce qui comptait pour moi c’était de devenir une cuisinière compétente. Je voulais une jolie vie, une belle maison près de la forêt et une compagne agréable.

    - Tu es donc… gouine… Marmonna Jean-Marc.

    - Lesbienne. Protestèrent Mathias et Sullyvanne d’une même voix.

                Faustin marmonna quelque chose qui devait ressembler à « sale homophobe ». Jean-Marc lui envoya un regard noir en marquant sur sa feuille.

    - Alors… maintenant c’est quoi ?

    - Je pense que je veux protéger mes amis et les différents mondes ! C’est ce qui est le plus important pour l’instant. Si je dois donner ma vie pour ça… je pense que je peux le faire !

                Jean-Marc annota accord. Il continua de poser des questions à la demoiselle, élargissant ses connaissances sur elle. Il devait toutefois supporter tous les commentaires de Mathias et de Faustine.

     

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  • Chapitre 14 : Réalité et rêverie.

     

                Jean-Marc était dans sa classe, occupé à donner cours avec passion. Il voyait bien que ses élèves n’en avaient que faire mais lui, il prenait un réel plaisir à leur parler de toutes ces histoires. Que ce soit des moribonds romantiques ou des monstres fantastiques.

                Il avait toutefois le regard qui louchait toujours vers Sullyvanne. Elle était assise sur sa chaise et elle essayait de lire un de ses livres. La voir faire l’agaçait au plus haut point. Il ne s’entendait pas très bien avec sa création. Le temps passait et cette sensation continuait de persister. Elle commentait tout ce qu’il faisait, le houspillait pour qu’il corrige, lui reprochait la plupart de ses faits et gestes. Tout ça sans se soucier une seule fraction de seconde à ce que lui pouvait bien penser de ses interruptions intempestives.

                Ne réussissant pas à toucher le livre, elle se tourna vers le pot de stylobille. Elle voulut en prendre un mais se reçut une tape sur la main.

    - Ça suffit. Grinça Jean-Marc, entre ses dents.

                Pourtant, ce geste surpris tous ses élèves. Il était plus que surprenant de voir son professeur frapper le vide et marmonner des mots à quelque chose qui n’était visiblement pas là.

                Quelques étudiants échangèrent un regard. Surtout lorsque l’homme se remit à parler de ses cours comme si de rien n’était. C’était ce qui surprenait d’autant plus les adolescents. Jean-Marc était quelqu’un de rigoureux et qui ne s’éparpillait pas comme ça.

     

                Le comportement mystérieux de Jean-Marc n’avait manqué à personne. À Faustine, bien sûr, qui avait tâché de le mettre en garde mais aussi à tous ses autres collègues. Tous commençaient à parler dans son dos. Ils avaient cessés de se moquer de l’air pseudo-gothique de Faustine, ni de sa manie à toucher écrire, installée dans des endroits et positions saugrenues.

                Tous pensaient à une seule et même chose : le comportement de fou de Jean-Marc.

                Ils étaient abasourdis par sa façon d’être, par cette propension à attirer l’attention sur lui d’une façon inhabituelle.

                Tout avait pris un aspect bizarre à l’école. Et c’est la raison pour laquelle le professeur de mathématique avait pris le téléphone ce matin-là.

    - Bonjour. Emile Ducharme, nous avons un petit souci avec Jean-Marc Narean… Pouvez-vous venir le voir ? Il est pris d’hallucination depuis quelques moments… nous sommes tous inquiets.

    - Bien, Monsieur… Nous arrivons au plus tôt.

    - Merci infiniment.

                Emile raccrocha. Il vint rejoindre ses collègues pour leur faire part de ce qu’il venait de faire.

     

                Une heure plus tard, la porte de la salle de classe de Jean-Marc s’ouvrit. Il fallait que ce soit juste au moment où il repoussait la main de Sullyvanne qui commençait à l’enquiquiner.

    - J’y crois pas… Souffla Sullyvanne. Ce sont des gars de l’asile ? Rit-elle.

    - Arrête d’être stupide, ce ne sont pas des infirmiers qui travaillent en asile psychiatrique ! Rétorqua Jean-Marc dédaigneux.

                Les élèves ouvrirent des yeux surpris pour la dixième fois en moins de vingt minutes de cours.

                Les infirmiers échangèrent un regard avant de se saisirent de Jean-Marc. Ils l’entraînèrent alors à sa suite.

                Si Jean-Marc se débattait, ce n’était jamais en leur direction à eux, il était plutôt tourné vers l’arrière. Continuant à parler avec le vide intersidéral.

     

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  • Prologue

     

                Georges, quarante ans bien frappé, parcourait les rues sous la pluie violente. Pourtant, il portait un parapluie dans sa main. Ses pas faisaient flop sur ce sol détrempé. Il entra dans la clinique du bout de la ville. Il n’eut pas besoin de passer par l’accueil avant de se rendre dans l’un des services du bâtiment. Là, il y avait beaucoup d’agitation et de cris.

                Georges vint rejoindre une femme qui venait de quitter une chambre. Elle soupira longuement, sa peau était pâle, un peu blême. Elle s’avança vers l’homme.

    - Bonjour Georges.

    - Bonjour Aurea… tu as finis ton travail ?

    - Oui… je devais rester plus longtemps mais mon patient vient de succomber d’une apoplexie…

    - C’est… euh… toutes mes condoléances.

                La femme opina légèrement. Elle se tourna pour désigner un couple qui attendait, se serrant les mains. L’épouse portait une bague avec un gros diamant alors que l’homme avait un chapeau-melon sur ses cuisses.

    - Allons-y… je vais rapidement me changer.

    - Je t’attends en bas.

                Georges descendit rapidement les escaliers et attendit près de l’accueil. Il se passa longue cinq minutes avant qu’il ne sente un effleurement. Il se tourna et sourit à la femme. Il sortit le premier et ouvrit le parapluie. La dénommée Aurea sortit à sa suite. Elle s’avança sous le parapluie mais tendit tout de même la main, interloquée.

    - C’est si… bizarre… Chuchota-t-elle en regardant les gouttes roulées sur sa peau.

                Sur le sillage, la peau devenait grise. Georges grogna et lui attrapa la main pour la remettre sous le parapluie. Il se mit alors en route, avançant rapidement. Il la tenait toujours pour lui imprimer son propre rythme.

                Ils traversèrent la ville, passant au beau milieu de dispute entre citadins. Des insultes sur la couleur de leur peau étaient généreusement hurlées à l’adresse de leurs voisins plus ou moins proches. Le bruit des moteurs fusait dans l’air, les pots d’échappements crachaient des volutes de fumées pestilentielles.

                Mais Aurea souriait tranquillement.

    - Georges… Imagine un autre monde que celui-ci.

                Georges lui lança un regard perplexe. Il prit soin de s’assurer qu’aucune voiture ne venait avant de traverser, entraînant toujours son amie à sa suite.

    - Imagine un monde où, lorsqu’il pleut, personne ne sort car ce serait signe de mort. Imagine un monde où les chats n’existent pas…

                Aurea s’accroupit pour caresser le pelage d’un beau chat blanc. Georges revint sur ses pas pour mettre le parapluie au-dessus de la femme. À nouveau, là où il y avait eu quelques gouttelettes, le sillage devenait plus gris.

    - Ne touche pas ça, tu ne sais pas où il a traîné.

                Aurea ne l’écouta pas, préférant continuer de gratifié l’animal de tendres caresses.

    - Imaginons ce monde… qu’est-ce qu’il y aurait à la place des chats ? Des chiens ?

    - Non… des ornithorynques.

    - Des… ornithorynques ? Répéta Georges.

    - Des créatures trop bizarres pour venir de cette planète, tu ne trouves pas ?

                Aurea sourit de toutes ses dents puis se redressa. Elle se remit en marche, obligeant Georges à accélérer le pas pour garder la pluie au-dessus d’elle.

    - Imagine un monde… où être en bonne santé est une horreur sans nom…

                Georges s’arrêta et prit la main de la femme pour la tourner vers lui. Aurea eut un faible sourire en plantant ses yeux dans les prunelles noires fatiguées.

    - Cesse d’imaginer ce monde. Je préfère de loin cette bonne vieille Terre ! Je préfère ce monde… le monde où j’ai miraculeusement guéri de mon cancer ! Sourit Georges.

    - Qui parle de miracle ? Chuchota Aurea.

                Elle se déroba à sa main et sortit de sous le parapluie pour venir sous un auvent. Lequel protégeait déjà les précieux exemplaires du dernier best-seller qui parlait de la lycanthropie sous toutes ses formes.

                Georges pesta contre la bêtise de la femme. Il referma le parapluie et s’empressa de la rejoindre. Elle regardait le Soleil sans aucune protection. L’homme leva la main pour protéger les yeux d’Aurea.

    - Le Soleil… Il est le même…

                Elle ferma les yeux.

    - Aurea, tu agis comme une folle ! Grimaça Georges.

                Elle ne répondit pas, murmurant si bas que personnes ne l’entendait. L’homme savait pertinemment que la femme entendait pourtant ce qu’elle soufflait, les lèvres s’étirant en un léger sourire.

     

                Imaginez un monde où l’air est tellement saturé de maladie qu’il n’est pas transparent mais vert. Imaginez un monde où l’eau est un endroit extrêmement dangereux à cause de ses propriétés corrosives. Imaginez un monde où le nucléaire est une aubaine à l’état pure. Imaginez un monde où on est ravi d’avoir la varicelle ou, mieux encore, le zona.

                Imaginez un monde obscur où on éloigne les personnes saines des autres…


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  • Chapitre 1 : Jour de pluie.

     

                Il faisait bon vivre dans les rues de Gudis. Les pavés étaient parfaitement alignés et les pelouses sanguines étaient parsemées de champignons en tout genre. On voyait quelques girolles se dandiner au milieu des Anges de la Mort, communément appelées amanite vireuse.

                Aurea rentrait à la maison, des sacs aux poignets. Sa peau grise avait une teinte qui s’harmonisait avec douceur à l’air vert. Elle salua ses voisins qui n’en avaient que faire d’elle. Elles étaient bien trop occupées à se crier des médisances dessus.

    - Sale vert ! Hurla Monsieur Rosz en agitant les bras.

    - Moi sale vert ? Et tu t’es vu sale gris ?! Cria Monsieur Apoderan, s’époumonant d’autant plus.

                Aurea fit la moue en se rapprochant de son voisin direct. L’homme lui sourit gentiment.

    - Ah, ces deux là… toujours en train de se disputer. Rit-il.

    - Oui… J’espère qu’un jour, ils se calmeront. Depuis qu’ils sont venus dans le quartier, nous n’entendons plus que leurs disputes…

                L’homme acquiesça gravement.

    - Quel est le sujet de discorde cette fois-ci ? S’enquit Aurea.

    - Je crois que Rosz a volé le faisan de jardin d’Apoderan… Mais il prétend que ce ne sont que des calomnies.

    - Se disputer de la sorte pour un faisan de jardin ? Soupira la femme.

                Elle leva les yeux en voyant un gros nuage rose se promener dans le ciel. Il avait une couleur assez foncée. Elle fronça les sourcils.

    - Il est mieux que je rentre tout de suite…

    - Ces sacs sont forts lourds, je vais t’aider. Se proposa le voisin.

    - Merci Maurus. Répondit-elle en tendant les deux sacs les plus pesants.

                L’homme s’en empara puis la suivit rapidement jusqu’à sa maison. Comme toutes les autres habitations, elle était faite de métal, seul changeait la couleur. La sienne était d’un brun aux éclats dorés. Les fenêtres rondes étaient transparentes et on pouvait voir, à l’intérieur, des champinières. Des amanites tue-mouches se bataillaient la place avec des giromitres et quelques cortinaires.

                Aurea ouvrit la porte et elle posa ses sacs dans l’entrée. Maurus déposa également les sacs.

    - J’ai vu que tu avais de belles amanites tue-mouches… est-ce que ça te dérangerait que je te les prenne… je commence à en manquer.

    - Non ! Sers-toi ! À quoi servirait les voisins et les amis sinon ? Sourit Aurea. C’est très gentil.

                La femme rit en passant sa main dans ses cheveux mauves mi-long. L’homme sourit et il se dirigea vers les champinières pour faire sa cueillette.

    - Cela se passe-t-il bien à la pharmacie ? Questionna la femme en retirant ses chaussures.

                Elle enfila des chaussons et récupéra ses sacs qu’elle emmenait dans la cuisine. Celle-ci avait une grande porte vitrée qui donnait sur un merveilleux jardin où se bataillaient fleurs toxiques et champignons en tout genre. L’herbe rouge frémissait sous le vent calme.

                Aurea regarda à nouveau les nuages duveteux qui se déplaçaient faiblement dans le ciel vert.

    - Tu disais ? Questionna Maurus, les bras emplit de champignon.

    - Je te demandais comment ça se passait à la pharmacie. Rit Aurea.

    - Magnifiquement bien. Répondit l’homme.

                Il n’était autre que l’apothicaire de la ville. Le seul homme capable de distiller les poisons ambiant pour guérir la bonne santé qui frappait de temps à autre les habitants.

    - Maurus… ?

    - Oui, ma belle ?

    - Je crois qu’il va pleuvoir… les nuages deviennent foncés.

    - Veux-tu que je reste avec toi ? Demanda l’apothicaire.

    - Non… rentre vite chez toi. Sourit Aurea.

                Maurus sourit gentiment.

    - D’accord. Appelle-moi en cas de problème.

    - Je n’y manquerais pas. Répondit la femme.

                Elle agita la main en sa direction lorsqu’il quitta la maison. Elle soupira en voyant les marques brunes sur le sol.

    - Il aurait tout de même pu retirer ses chaussures…

                Aurea se dirigea vers le poste de radio pour l’allumer. Il grésilla un instant avant qu’il ne vomisse une voix enrouée et fatiguée qui parlait de la météo avec animation.

    - Mes prévisions disent qu’il va pleuvoir. Vous avez bien entendu. Il va pleuvoir.

     

                Senka tenait à la main une peluche d’ornithorynque. Elle courut vers un garçon qui avait les mêmes cheveux vert qu’elle. La seule différence entre eux était la longueur de leur tignasse. Tous deux avait cette même peau grise, ses yeux beiges profonds qui pétillaient et ses tâches noires qui parsemaient leurs joues.

    - Bouh ! Hurla Senka.

                Le garçon tomba sur le sol et il se mit à pleurer vivement. L’institutrice courut jusqu’à lui et le fit se lever. Elle souriait doucement de ses lèvres exagérément peinturlurée. Elle lui caressa gentiment les cheveux.

    - Allons Itzal, ne pleure pas comme ça.

    - O… Oui madame. Hoqueta l’enfant.

                Il essuya ses yeux et se tourna vers la fille. Il tendit les mains vers la peluche.

    - Tu la veux ? Demanda-t-elle.

    - Oui.

    - Tiens !

                Senka fourra la peluche dans les bras du garçon. Il serra l’ornithorynque en souriant doucement.

                L’institutrice sourit et leur caressa les cheveux. Elle poussa un cri en voyant le jeune Justus qui avait attrapé un champignon qu’il s’apprêtait à manger. Elle réussi, par chance, à lui bloquer le poignet juste à temps.

    - Itzal… regarde… les nuages…

                Senka pencha la tête et elle sourit, extatique. Elle leva la main et désigna l’un des nuages qui avait une forme de champignon.

    - C’est joli.

    - C’est foncé… Chuchota Itzal.

                Il ouvrit de grands yeux.

    - Madame Superes ! Cria-t-il.

    - Qu’il y-a-t-il ? Demanda la femme d’un air crispé.

                Elle tâchait de faire lâcher à Justus ce qu’il tenait mais l’enfant si accrochait en hurlant.

    - Les nuages sont foncés !

    - Oh !

                La femme se calma instantanément. Elle fit se lever le gamin récalcitrant et lui confisqua le champignon vivement.

    - Rentrez tous dans le bâtiment ! De suite ! Dit-elle d’un ton sec.

                La moitié des enfants s’empressèrent de s’exécuter, effrayer. Malheureusement, il y avait des élèves récalcitrant que Madame Superes devait obligé à rentrer.

    - Itzal ! Fait rentrer ta sœur !

    - Oui, madame ! Cria le garçon.

                Il prit le poignet de Senka et courut vers le bâtiment. Il l’entraîna à sa suite et la fit entrer dans la protection métallique d’un blanc majestueux. Il l’entraîna jusqu’à une des énormes fenêtres ovales et il colla son nez contre la vitre. Sa sœur le fixa deux longues secondes avant de l’imiter.

                Madame Superes poussa les enfants à l’intérieur de la bâtisse. Elle rentra à son tour et verrouilla les portes, soupirant de soulagement.

                Un coup de tonnerre retentit dans l’air. La pluie tomba ensuite en grosse goutte. Une fumée jaunâtre s’éleva de la terre à mesure que la pluie se fracassait au sol.

    - La pluie… c’est mal… Chuchota Itzal.

    - C’est joli… Dit Senka.

                Elle se tourna vers son frère, les yeux pétillants.

    - On va jouer ?

    - Oui.

                Itzal s’éloigna de la fenêtre et il partit à la suite de sa sœur.

     

    - Bouledesuie ! Rentre tout de suite !

                Aurea siffla et elle sortit dans le jardin où elle attrapa son ornithorynque par la peau du cou. La bête poussa un cri et l’électrocuta. La femme retint un cri et elle rentra, elle posa l’animal puis frotta son poignet endolori. Elle ferma la porte et encoda le numéro pour que tout se verrouille.

                Elle pressa d’autres numéros et un dôme métallique couvrit son beau jardin.

    - L’accalmie reviendra bientôt… bientôt…

                Aurea rangea rapidement ses courses et elle sortit un jambonneau du frigo pour le préparer ce soir. Si la pluie ne durait pas trop longtemps. Il y a trois jours, la tempête avait été telle qu’elle s’était retrouvée seule jusqu’au lendemain aux environs de midi. Elle n’aimait pas rester seule…

                Aurea se dirigea vers son téléphone et elle composa rapidement un numéro.

    - Allôôôô ? Lança une voix guillerette.

    - Amator, mon chéri, c’est toi ?

    - Oui. Je suis bien en sécurité ma belle. Les dômes de protections sont sortis chez nous, et toi ?

    - Moi aussi. J’ai récupéré Bouledesuie mais il m’a électrocuté.

    - Prive-le de nourriture, il est temps qu’il se calme. S’il continue de la sorte, on prendra une taupe étoilée et on le jettera de…

    - Arrête ! Tu sais que les enfants adorent les ornithorynques.

    - Mais j’ai envie d’une taupe étoilée. Soupira l’homme.

    - On s’arrangera. Rit Aurea.

    - Tu as des nouvelles des enfants ?

    - Non. Je te contacterais si j’en ai. J’ai confiance en Madame Superes.

    - Elle est très compétente mais Senka ne sait pas ce qui est bon pour elle…

    - Itzal est là. Rassure-toi.

    - Tu es la voix de la raison ma belle.

    - Merci.

    - Ah… je dois me dépêcher si je veux pouvoir travailler avec l’uranium cette fois. Au revoir ma chérie.

    - Au revoir.

                Aurea raccrocha. Elle soupira et vint devant la télévision. Bouledesuie se leva et vint jusqu’à elle pour s’installer sur ses cuisses. La femme lui caressa les poils alors qu’une émission parlait de la vie sur les autres planètes.

    - Nous vivons sur une planète bien dangereuse… existe-t-il une planète malade et sans danger ? Questionna Aurea, ses yeux d’un rose irréel posé sur l’horloge installée contre le mur.


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