• Chapitre 12 : Entrée dans le monde.

     

                Itzal était impatient. Il sautillait sur place alors que le bruit de la voiture des Ivanof se faisait entendre. Il avait un bonnet blanc visé sur la tête, puisqu’il faisait tout de même plus froid sur Terre que sur Erret, surtout en ce moment de l’année, et une petite mallette décorée à l’effigie d’un célèbre dessin animé terrien.

    - Soit patient… Dit Vladimir.

    - J’ai… hâte.

                Vladimir lui tapota la tête. Il était ravi que le garçonnet fasse des efforts pour parler leur langue, même s’il avait du mal à faire des phrases d’un seul coup. Mais Itzal n’était pas tant ravi de parler cette langue. Elle était toujours très dure pour lui et il se sentait mieux en pouvant parler sa langue natale.

                On sonna enfin à la porte. Itzal s’empressa d’ouvrir il sauta dans les bras d’Ivan dès qu’il le vit. Le garçon rit en le serrant à son tour dans ses bras. Vladimir les avisa d’un œil circonspect.

                Il leva les yeux pour voir le père Ivanof qui se tenait dans l’encadrement de la porte.

    - Merci de l’emmener. J’ai encore beaucoup de travail.

    - C’est tout à fait normal et ça leur fait plaisir.

                Le père regarda les petits partirent vers la voiture. Il sourit de plus belle et revint vers son patron.

    - Nous le ramènerons sans doute après le goûter que les enfants puissent encore être ensemble un petit peu.

                Vladimir ferma la porte, faisant sursauter Ivan. L’homme l’attrapa par le col, la main tremblante.

    - Ce petit est à moi ! Ne croyez pas pouvoir en user !

    - Ivan est son ami… Justifia l’homme, tremblotant.

    - Faites attention. Je ne me répéterais pas. Vous ne l’accaparez pas !

                Ivan opina lentement. Il ouvrit la porte à tâtons et sortit précipitamment. Vladimir était fou. Fou à lier. Il sourit péniblement aux deux garçons qui attendaient devant la portière. Il ébouriffa les cheveux de son fils avant de les faire rentrer dans la voiture. Les lampadaires commençaient à se fermer comme le jour se levait. Itzal continuait de regarder partout avec fascination. Même s’il était dans ce monde, assez horrible, depuis un mois et demi à présent. Il pensait toujours à ses parents, à sa sœur. Il rêvait d’eux parfois.

                Il voulait être avec eux. Mais il n’avait pas envie pour autant de perdre son ami, son meilleur ami, son seul ami. Son tout.

                Il prit la main d’Ivan dans la sienne et lui montra un chien errant avec les yeux émerveillés. Le garçon rit doucement.

    - On devrait t’offrir un hamster ! Rit Ivan-père.

                En espérant que Vladimir ne le tuerait pas pour ça. Il craignait vraiment que l’homme puisse le tuer, aussi aisément qu’on envoyait une carte postale. Même pour ce petit achat insignifiant qu’était un hamster. C’était une race qui avait retrouvé l’état sauvage et qui courait les rues à présent, même si en trouvait encore beaucoup dans les maisons. De toutes les couleurs.

                Il y avait à présent des bêtes de vraiment toutes les couleurs grâces aux modifications génétiques.

    - J’aimerais… bien… un hamster. Dit lentement Irzal.

                Ivan-père lui sourit.

                Bientôt, il gara la voiture devant l’école. Il vint ouvrir la portière et aida Itzal à descendre. Ivan vint se saisir de la main de son ami.

    - Occupe-toi bien d’Itzal. Il risque d’être accaparer par tout le monde. Rappela Monsieur Ivanof à son fils.

    - T’inquiète pas, papa ! Tu peux me faire confiance !

                Alors qu’il disait cela, l’enfant put remarquer que des regards curieux leur étaient adressés. Quelques professeurs eux-mêmes s’approchaient. Dans la foule, certains petits étudiants affirmaient qu’ils devaient « toucher l’alien parce que leur parent leur avait dit ».

    - Viens Itzal. J’espère qu’on aura court de dessin aujourd’hui.

    - Pour… le fusain… ? Demanda Itzal, tout sourire.

                Le fusain, il connaissait. Il y en avait dans son monde. Pouvoir user de fusain lui rappellerait plus fort encore sa mère et son père ainsi que sa sœur. Malheureusement, il avait beau être jeune, il savait que ça ne le ramènerait pas pour autant là-bas.

                Mais il pouvait espérer.

                L’espoir faisait vivre.

     

                Dans son laboratoire, Vladimir travaillait activement. Par mesure de sécurité, il préférait faire ses expériences sur autre chose que lui-même. Sur de petit amphibie tel que des grenouilles. Il n’aurait pu user de salamandre de peur qu’elles se régénèrent toutes seules. Il aurait pu user de souris ou de rat, mais comme tous les autres animaux, ils avaient subis beaucoup de modifications génétiques et ceux disponibles en grande surface n’étaient plus bons pour ce genre de travail.

                L’homme poussa un récipient emplit d’hydrogène avant de s’emparer d’une pipette dont il avait besoin. Il aspira un liquide rose et l’introduit dans le corps de la grenouille. Il lui coupa une patte sans somation. Aucun cri ne parvint. Ce devait être la preuve que les animaux ne pouvaient ressentir la douleur.

                La patte ne repoussa pas.

                Vladimir s’éloigna et baissa son pantalon. Sa jambe avait presque retrouvé son apparence normale. Comme s’il n’avait jamais perdu de muscles de toute sa vie. Il avait beau être en présence d’Itzal, il ne guérissait pas plus vite. Heureusement, ses poumons, eux, avaient vraiment cessé de le faire souffrir.

                Il se rhabilla, sortit de la pièce et alluma une cigarette. Qui se priverait de quelque chose d’aussi agréable alors que le cancer disparaissait en présence d’un petit miracle comme était son pupille ?

     

                Ivan entraîna Itzal à sa suite, l’arrachant aux yeux grands ouverts de leurs camarades de classes. Tous voulaient le toucher, lui parler, essayer d’entretenir un lien avec lui. Mais l’ancien petit myope ne laissait pas faire, à cœur de son rôle. Ils coururent vers la voiture des Ivanof et Ivan le fit rentrer. L’extra-terrestre s’attacha en gémissant un peu, quelque peu bouleversé par les événements. Il n’attirait jamais l’attention avant. Maintenant, c’était toujours l’inverse.

                Ivan-père les emmena à l’animalerie, lançant fréquemment des regards meurtriers vers l’école. Ils pouvaient respecter Itzal tout de même ! Ce n’était qu’un enfant !

                Il se gara bientôt devant le petit bâtiment sobrement noté « Galène ». Il donna deux billets à son fils, discrètement, et les laissa rentrer dans l’établissement.

                Ivan emmena son ami jusqu’à la grande cage qui contenait tous les hamsters.

    - Tu… tu peux le choi… choisir… moi je… je sais pas… Dit-il les yeux grands ouverts.

    - Alors… va avec papa !

                Le garçonnet opina et il rejoignit l’homme qui le prit par l’épaule. Ivan regarda dans la cage mise sous verre puis il vint parler à un vendeur. Il donna l’argent à l’homme qui lui confia une petite cage déjà équipée, un peu de nourriture et puis qui vint chercher un animal dans l’enclos. Tout content, Ivan vint apporter le tout à son ami, trépignant d’impatience.

                Celui-ci prit la boîte où on entendait gratter. Sous l’œil avisé d’Ivan-Père, il ouvrit le dessus et regarda dedans avec soin. Se tenait, dans le fond, un tout petit rongeur. Mais il était d’une couleur particulière.

                Celle de l’arc-en-ciel.

                Itzal sourit et serra son cadeau contre lui. Les deux Ivan sourirent de le voir ainsi. Au moins, ils parvenaient à lui donner un peu de joie de vivre.


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  • Chapitre 13 : Président.

     

                Itzal serrait dans ses mains le petit hamster arc-en-ciel qu’Ivan et lui avaient décidé d’appeler « Patates », c’était mieux que « Frites » selon le père Ivanov. Plus sain. Même s’ils ne comptaient pas manger le petit animal !

                Le garçon vint sonner à la maison, attendant que son tuteur vienne ouvrir. Ivan-Père regardait vers la porte avec inquiétude. Il n’aimait pas que son fils reste tout près d’Itzal avec la menace qui pouvait peser sur sa tête. Il ne souhaitait aucun mal au petit extra-terrestre mais, justement, il ne craignait pas qu’il lui arrive quelque chose. Pas comme à son enfant.

    - Ivan, reviens dans la voiture. Lança-t-il d’un ton tendu.

                Son fils tourna la tête vers lui alors que des bruits se faisaient entendre à la porte.

    - À plus ! Lança Ivan dans la langue de son ami.

                Il le serra dans ses bras puis partit jusqu’à la voiture. Il eut à peine grimpé dedans que la maison s’ouvrit. Le père Ivanov s’assura que son fils était attaché avant de démarrer. Plutôt ça qu’affronter son ancien employeur. On pouvait bien le traiter de lâche, ça lui importait bien peu.

                Itzal agita la main vers la voiture alors que les petites griffes de Patates lui entamaient la paume. Venant d’un monde où la douleur était maîtresse, il n’eut aucune réaction pour lâcher l’animal et il rentra dans la maison avec l’animal. Il ouvrit la cage et glissa le hamster si voyant dedans.

    - Itzal ! Je n’aime pas que tu passes ton temps dehors ! Tu devrais rentrer directement après l’école. Personne n’a le droit de t’accaparer !! Personne n’a le droit de profiter de toi !

                Vladimir l’attrapa par l’épaule et le secoua. Itzal resserra la cage contre lui, ne voulant pas prendre le risque de la faire tomber avec son tout petit habitant. Il leva un regard vers son tuteur, les yeux injectés de son. La folie brûlait d’ailleurs ses iris.

    - Ivan et son papa m’ont offert un… hamster.

    - Tu avais besoin d’une de ses sales bêtes ?! Siffla l’homme.

    - Non…

    - Alors arrête tes stupidités ! Tu dois rester avec moi autant que tu le peux ! Tu as certainement des devoirs à faire !!

    - Non.

    - Non ?! Rugit-il.

    - C’est… c’est le… p… premier… jour et…

                Le petit tremblait, reculant lentement. Mais Vladimir l’attrapa par le bras et le secoua de nouveau. Itzal resserra d’autant plus ses bras sur la cage, marquant sa peau de strie.

                L’homme leva la main lorsqu’on sonna à la porte. Il grinça immédiatement des dents.

    - Si c’est Ivan, je l’étripe !

                Itzal glapit, les yeux grands ouverts. Pour lui, il s’agissait de l’acte pur et brut. Bien que connaissant Vladimir, il était parfaitement capable de vraiment essayer de tuer son ancien subordonné.

                Le tuteur vint ouvrir la porte. S’il grognait en le faisant, il se figea et prit une attitude bien plus humble en voyant l’homme à la porte. Ce n’était pas Ivan dont il aurait bien retiré les intestins du corps pour vérifier s’ils faisaient bien plus de dix mètres. Il s’agissait du Président Gleb Kirovitch Krylov en personne. Comme toujours, il était accompagné de deux gardes du corps.

    - Président Gleb Kirovitch.

    - Bonjour. Puis-je entrer ?

    - Bien sûr.

                Vladimir s’empressa de se bouger pour le laisser venir avec son escorte. Sa gorge était soudainement bien sèche. Le tuteur vint dans la pièce à son tour, tendu au possible.

    - Bonjour Itzal, je peux venir m’asseoir à côté de toi ?

    - Oui.

                L’homme s’assit dans le fauteuil. Le garçon s’assit à son côté, très intimidé. C’était un homme de grande taille, comme Vladimir. Mais ce dernier, à cause de sa canne, était bien plus voûté.

    - Je peux vous ramener du Sbiten(1), si vous le souhaiter.

    - Bien volontiers.

                Vladimir s’éclipsa dans sa cuisine.

                Gleb sourit à l’enfant.

    - Qu’as-tu là ?

    - C’est un « hamster ». Mon ami Ivan… me l’a acheté…

                Il avait toujours un peu de mal à parler russe. L’homme sourit et lui ébouriffa les cheveux alors que l’extra-terrestre lui montrait Patates qui rentrait dans sa petite maison.

    - Ah… un hamster arc-en-ciel ! C’est bien choisi !

                Itzal sourit en regardant son petit animal.

                Vladimir revint avec quatre pintes d’hydromel et un verre de limonade ainsi que quelques zakouski aux harengs marinés ou aux œufs de saumon. Le Président le remercia et se saisit d’un des hors-d’œuvre. Il en donna un autre à l’enfant qui en mangea un avec intérêt, peu habitué à ce genre de repas visiblement réservé à la présence de personne aussi exceptionnelle que le Président.

                Le tuteur prit place dans un des fauteuils et sourit.

    - Je suppose que vous êtes venu ici pour une raison.

    - Pas pour parler nautisme ou chiffon, en effet. Rit Gleb.

                Vladimir força un rire bien qu’il était particulièrement tendu.

    - Je suis venu vous voir au sujet des études de ce petit.

    - Il a absolument voulu aller à l’école publique de son ami.

    - Ce n’est pas un mal. Rassura le Président.

    - Ça avait l’air bien… avant… j’allais à l’école avec… Senka.

                Gleb opina doucement, lui offrant un sourire navré. Il ignorait qui était cette fameuse Senka. Sa sœur sans doute.

    - Alors qu’est-ce qu’il y a ? S’enquit Vladimir avec anxiété.

    - J’aimerais qu’ils suivent quelques cours qui pourraient lui être utile. Comme l’informatique par exemple. Nous ignorons si ça existe dans son monde. Il faudra qu’il fasse ça après l’école mais c’est le mieux pour lui.

    - Et si ça existait chez lui et qu’ils envoyaient des messages aliens à ses petits copains ?!

    - J’en prends le risque. Après tout, nous leur devrons bien ça. Nous avons pris de force un des leurs.

    - Bien… Président. Dit Vladimir.

                Il allait être encore plus éloigné de son pupille ! Il n’aimait pas ça. Il avait tellement besoin de lui.

    - Je reviendrais de temps en temps vous voir. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut voir un alien. Rit-il en caressant les cheveux d’Itzal.

                Il prit un autre zakouski qu’il lui donna. Le jeune garçon le remercia et mordit de l’hors d’œuvre avec plaisir.

     

                Le soir venu, Vladimir était dans son fauteuil, regardant la télévision avec Itzal. Le petit y était plus forcé qu’autre chose. Durant une émission sur les tribus sédentaires, il préférait de loin jouer avec Patates. La nuit étant tombé, le hamster était plutôt actif et il essayait de l’apprivoiser avec des graines de tournesols.

                L’émission à venir devait parler des eunuques, ce qui n’était pas plus pour plaire à l’enfant qui ne savait même pas ce que le mot voulait dire. Il aurait pu mieux apprendre la langue en prenant garde à la télévision mais ça ne lui plaisait pas plus.

                Vladimir n’étant pas plus intéressé, il zappa pour mettre le journal. C’est alors qu’une photo de Ninel apparut dans l’écran. Itzal redressa la tête et sourit. Sur la photo, on voyait que des cheveux recommençaient à pousser sur le crâne dégarni.

    - Et voici maintenant l’affaire de la petite Ninel Dimitrinova Karkarov. Elle était atteinte d’un cancer et vouée à une mort certaine. Les médecins et sa famille étaient désespérés. Et, soudainement, elle a été guérie du cancer. Nous vous parlons bien de guérisons instantanée sans la moindre trace de maladie où que ce soit. Ses défenses immunitaires sont à nouveaux au plus haut ! C’est incroyable. Les médecins préfèrent tout de même attendre les dix ans de rémissions avant de la proclamée guérie. Pour les parents, il s’agit ni plus ni moins d’un miracle. Nous allons immédiatement interroger le médecin Jason Gustaviano, le célèbre médecin italien.

                La femme se mit alors à parler en sumérien pour s’adresser à l’homme.

                Alors qu’Itzal continuait de regarder la photo de Ninel, un large sourire aux lèvres, Vladimir se rendit dans une autre pièce. Il décrocha le téléphone et composa rapidement un numéro.

                Il plissa les yeux en attendant qu’on décroche. Mais lorsqu’on prit l’appel il n’eut pas pour autant une bonne surprise puisqu’il entendit de la guitare dans son oreille.

    - Nikolaï Aleksandrovitch… vous êtes un enfant.

    - Bonjour Vladimir ! Comment allez-vous ?

    - Bien, bien… j’ai la preuve indéniable que le petit que nous avons recueilli est la panacée que nous attendions tous. Si nous nous y prenons correctement, nous pouvons devenir très riches.

    - Pourquoi me contacter ? S’étonna Nikolaï.

    - Parce que si nous ne nous dépêchons pas, quelqu’un nous passera devant. Et nous n’allons pas laisser quelqu’un d’autre être milliardaire, n’est-ce pas ?

    - Bien vrai… Ricana Nikolaï.

     


     

    • Hydromel traditionnel russe.

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  • Chapitre 14 : Déménagement.

     

                Aurea sortit de l’erutiov. Elle regarda le noimac de déménagement qui se garait pas très loin de leur nouvelle maison. La femme vint vers Amator qui aidait leur fille à sortir du véhicule. Elle serrait contre elle sa peluche ornithorynque tandis qu’à côté, le vrai animal grognait dans sa caisse de transport.

    - Nous n’aurions pas dû déménager ! Attaqua immédiatement la femme. Ça n’avait pas été décidé au suffrage général !

    - Chérie…

    - Imagine qu’Itzal revienne ! Il nous cherchera là-bas et pas ailleurs. Et il ne pourra même pas aller se réfugier chez Maurus, il est mort !

    - Alors, il ira se réfugier chez Lónan, malgré tout ce que tu penses de lui. Itzal n’est pas stupide, il saura s’y retrouver.

    - S’il n’y arrivait pas ? Gémit-elle.

    - Fais-lui confiance. De toute façon, lorsque cet immense noiva est arrivé, tout le monde a été prévenu. S’il revient, on ira à sa rencontre.

                Aurea ne croyait pas un mot de ce que disait son époux mais elle s’obligea à opiner et à sourire.

                Elle vint prendre sa fille dans ses bras alors que son mari emmenait Boule de suie dans la maison. Il le libéra dans une pièce fermée pour qu’il ne puisse pas s’enfuir puis il vint aider les déménageurs à tout placé dans leur nouvelle maison. Au moins, il y avait un beau ciel dénué de nuage rose. Il n’y aurait pas de pluie acide avant un petit moment.

     

                Le lendemain, Senka descendit les escaliers et elle rejoignit sa mère, qui terminait son maquillage, à la réverbération d’une bougie posée sur la table.

    - Bonjour, ma chérie. Sourit péniblement Aurea.

    - Bonjour. Itzal n’est toujours pas là, maman ?

                La femme secoua la tête, un sourire figé aux lèvres. Elle ne voulait pas se mettre à pleurer. Elle ne devait pas se montrer faible devant sa fille. Elle n’avait pas besoin de cela, tout au contraire.

                Amator vint les rejoindre, Boule de suie le suivant en grognant. L’homme soupira et se tourna vers l’animal de compagnie.

    - Je sais que tu n’es pas content, mais c’est comme ça et pas autrement ! Et tu ne sortiras pas avant un moment, mon vieux !

                Dédaigneux, l’ornithorynque s’éloigna en agitant la queue.

    - Je vous jure… ces animaux de compagnie ! La prochaine fois, on aura une taupe étoilée !

                Aurea n’eut qu’un faible sourire. Ce sujet de « dispute » les avait toujours rapprochés avant, mais ce n’était plus le cas à présent. Amator sentait toujours un regard de reproche vers lui lorsqu’il parlait à sa tendre aimée. Il savait que certains de ses amis avaient perdus leur couple avec leur enfant. Il craignait que ça arrive pour eux aussi.

    - Je vais amener la petite à l’école.

                Aurea opina faiblement. Elle se leva et vint embrasser son mari. Comme si elle avait sentit ses inquiétudes et qu’elle voulait lui prouver que tout irait bien. Elle se serra un instant contre lui.

                N’était-il pas l’amour de sa vie ? Le seul et unique qui ait vraiment compté à présent, à part ses enfants bien sûr. Mais d’une autre façon.

                Amator la resserra doucement contre lui. Il posa un baiser sur son front et lui offrit un regard reconnaissant. Il prit sa fille dans ses bras et sortit avec elle, vérifiant la clarté du ciel. Il ne prendrait pas le risque de remettre sa petite en danger une seconde fois. Si sa femme perdait un autre enfant, elle ne s’en remettrait pas.

                Il emmena sa fille dans l’erutiov et ils partirent vers l’école. Si avant, ils pouvaient y aller à pied, dans cette ville l’école était bien trop loin. Ainsi, il devrait l’emmener et la rechercher tout le temps. Mais pour l’instant c’était encore possible puisqu’il avait un travail à trouver. Le fait de devoir regagner le centre-ville était en soi une opportunité. Il pourrait se présenter un peu partout.

                Il déposa alors sa fille à l’école, souriant de toutes ses dents. Il lui posa un baiser sur le front et lui caressa doucement les cheveux.

    - Allez ma chérie… bonne rentrée. Écoute bien tes professeurs et suis leurs conseils. Fais-leurs confiance, ne reste surtout pas dehors quand il pleut, tu te souviens ?

    - Oui, papa.

    - Essaie de te trouver un ami… il t’aidera beaucoup ma chérie.

    - Accord…

                La fillette sourit, serrant toujours l’ornithorynque dans ses bras. Elle partit en trottinant. Elle regarda autour de lui avant de s’arrêter. Un peu plus loin, il y avait un enfant de dix ou onze ans. Elle se l’imagina immédiatement sur un blanc cerf, tel un merveilleux Chevalier de conte de fée. Elle s’empressa alors de trottiner vers lui.

    - Bonjour. Chuchota-t-elle, ses joues prenant une étrange teinte rose-grise.

    - Bonjour. Répondit le garçon, surpris.

    - Je… suis Senka. Mon papa… y veut je me fasse des amis…

    - Ezrat. Répondit-il avec un petit sourire timide.

                Il s’éloigna d’elle de quelques pas mais ne chercha pas à la fuir pour autant. Pas comme les enfants de l’autre école qui la fuyait en riant et en la traitant « d’handicapée ». Si elle ne savait pas ce que c’était, elle ne manqua pas de remarquer que ce mot était écrit en grand sur le dessus de l’école.

                Elle se demandait « en quoi » ce garçon pouvait être « handicapé » lui aussi. Mais c’était pas grave, s’il pouvait devenir son ami.


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  • Chapitre 15 : Innommable.

     

                Itzal revint de l’école ramener par les Ivanov comme bien souvent. Lorsqu’il poussa la porte, il ne vit pas Vladimir alors que l’homme essayait toujours d’être là dès son retour pour lui parler avidement et s’assurer « qu’il n’était pas blessé ».

                Le garçonnet grimpa alors dans sa chambre et il s’installa à son bureau et sortit ses devoirs. Il était ravi de comprendre cette matière. C’était donc avec plaisir qu’il sortait ses affaires. Il sourit en voyant le petit nez de Patates sortir de sa maison. Il ouvrit la cage et caressa le petit animal avant de se mettre au travail. Ivan lui avait toujours dit que bien faire ses devoirs apportaient de beaux points et que ça faisait plaisir aux parents.

                Puisque Vladimir était à présent son parent, il supposait que ça le rendrait heureux. Lui qui était toujours si froid et triste.

     

                Quelques heures plus tard, une bonne odeur de cassoulet se souleva dans la maison. Affamés, l’enfant posa ses affaires pour se lever. Il avait presque fini ses devoirs et il ne restait qu’un point final à mettre. Ce qu’il pourrait aisément faire après le repas qui lui faisait grandement envie.

                Ainsi, descendit-il dans la salle à manger où l’attendait le repas.

                Vladimir se tourna vers lui, les yeux injectés de sang.

    - Où étais-tu ?! Cracha-t-il en venant vers lui.

    - Je faisais mes devoirs en haut. Vous n’étiez pas là à mon retour d l’école alors je suis monté… vous êtes rentré depuis longtemps ? Sourit l’enfant.

                Mais sa question ne suscita qu’un regard encore plus haineux qu’auparavant. Il se sentit tout à coup misérable et il baissa la tête, tristement.

    - Tu aurais dû rester en bas !

    - Mais Ivan dit que les devoirs c’est important…

    - Cet abruti ! Il ne peut pas se contenter d’un enfant ?! Il faut qu’il essaie de me piquer le mien ! Non… Non… Il a compris… c’est forcément ça… Il a dû comprendre qu’il était la panacée… c’est cela… Cet immonde…

                Le garçonnet baissa tristement la tête, tout inquiet. Il parlait bien sûr de son ami et non du père de ce dernier. Mais il était vrai que ce n’était pas toujours chose aisée de se faire comprendre quand les deux possédaient le même nom. Surtout que c’était une pratique peu courante dans son monde où il n’était pas coutume d’appeler son enfant en rapport à quelqu’un qu’on avait connu. Ça évitait alors les prénoms similaires au sein d’une famille, même si ça pouvait arriver.

                Vladimir alla vers le foyer, ornemental, pour prendre son fusil qui, lui, ne l’était pas. L’odeur de cassoulet s’était muée en un fumet atroce où les saucisses brûlées s’unissaient avec les flageolets. Les fragrances âcres faisaient tourner la tête du garçonnet qui ouvrit des yeux surpris en voyant son tuteur se saisir de cette arme.

                Il avait vu, pas plus tard qu’aujourd’hui, ce qu’était cette chose dans son cours d’histoire.

    - C’est… c’est pour tuer ça… qui voulez-vous tuer ?

    - Petit nigaud. Répondit Vladimir.

    - Qui allez-vous…

    - Ça suffit ! Ce ne sont pas des questions d’enfants ! Retourne dans ta chambre vu que tu y es si bien !

                Le garçonnet renifla et partit vers les escaliers alors qu’il entendait son tuteur bougonner et maugréer des insultes.

    - Cet Ivan va crever et me payer tout ça…

                Itzal se figea le premier pied sur la marche.

    - Non !

    - La ferme ! Je t’ai dit de monter !

    - Laissez Ivan en paix !

    - Non ! Cet abruti va arrêter de se mêler de tout ! Il se croit intéressant parce qu’il est astronaute et sa femme aussi ? Et son crétin de gosse est si studieux !

                Il se passa la main sur le menton.

    - Je devrais peut-être me débarrasser d’eux tous… s’il y a des témoins ce n’est pas bon…

    - Laissez Ivan ! Cria Itzal, désireux de protéger son ami.

                Vladimir fronça les sourcils, rendant ses yeux injectés de sang encore plus inquiétant.

                Il s’avança vers son pupille qu’il attrapa par le col de son vêtement.

    - Tu veux te rebeller ? Siffla-t-il.

    - Lâchez-moi…

    - Mais voyons, voit le bon côté des choses, quand je te mets une raclée je m’occupe pas de ces abrutis d’Ivanov ! Enfin… tu as bien de la chance que j’ai besoin de toi. Ajouta-t-il en le laissant tomber sur le sol.

    - Vous êtes méchant…

    - Tu parles comme un enfant.

    - Je suis un enfant. Répondit Itzal.

    - Tu n’es pas un enfant ! Tu es un alien ! Un monstre ! Un médicament universel ! Croire que tu pourrais avoir des sentiments est stupide ! Maintenant dans ta chambre ! Et tu verras que je me comporterais avec toi comme il le faut !

                Il repartit vers la porte en grommelant des insultes à l’égard d’Ivan. Itzal larda un regard acide sur le dos de Vladimir.

                Le joyau rouge qui ornait son front commença lentement à perdre son éclat.

                Vladimir porta sa main à sa gorge, ayant tout à coup l’impression de l’avoir lourde et de ne plus savoir respirer. Ses bronches se remplirent ensuite de liquide et il cracha tout ce qu’il pouvait. Du sang sortit de sa gorge, tachant ses habits blancs. Il sentit un malaise et ses jambes vacillèrent alors que son cœur s’emballait. Sa tension augmenta de plus en plus.

                Et, aussi soudainement qu’il avait commencé à se sentir mal, il s’effondra. Les yeux grands ouverts. Le corps arrêtant de monter et descendre signe qu’il ne respirait plus. Seul un filet de sang sortait de ses lèvres tuméfiées.

                Itzal le fixa un moment avant de sentir, soudainement, que l’air ne rentrait plus dans ses poumons. Le joyau maintenant rouge presque noir, ses orbes orange-or s’écarquillant. Il avait déjà sentit cette sensation de suffoquer une fois. Lorsqu’il avait goûté à l’air terrien pour la première fois.

    - Maman… Gémit-il.

     

    - Monsieur le Président. S’écria quelqu’un.

                Gleb agita la main en sa direction avant de se tourner vers son premier Ministre.

    - A-t-on des nouvelles de ce petit Itzal, l’alien ? Je n’en ai plus depuis que je l’ai vu.

    - Son tuteur refuse de donner des nouvelles… La femme Ivanov qui l’a accompagné dans cette expédition dit qu’il est complètement fou. Son fils est ami avec l’alien. Expliqua-t-il.

    - Oui, j’en avais entendu parler.

                Il se tourna vers le quelqu’un qui l’avait appelé. Il se saisit du stylobille qu’il lui tendait, lu rapidement ce qu’il lui montrait puis signa.

    - Allons leur rendre une petite visite.

    - Bien, Président.

                Ils partirent alors vers la limousine présidentielle. Un chauffeur s’empressa de venir leur ouvrir et il referma derrière eux. La voiture s’ébranla alors et partit en direction de la maison de Vladimir.

     

                Lorsqu’ils arrivèrent, le chauffeur s’empressa de venir ouvrir à son Président. Il s’inclina profondément et afficha un large sourire. Gleb inclina légèrement la tête pour le remercier. Il se rendit ensuite vers la porte et sonna. Il attendit qu’on lui réponde tandis que son premier Ministre arrivait.

    - Il ne répond pas ? Fait-il le sourd ?

    - Je ne crois pas… Il n’est pas assez stupide pour ça… Chuchota le Président en fronçant les sourcils.

                Il sonna encore à la porte. Le Premier Ministre lança un coup d’œil par la fenêtre. Il se figea.

    - Le garçon ! Il est au bas des escaliers ! Il a l’air mal en point !

    - Appelez une ambulance ! S’écria Gleb.

                Il envoya son pied dans la porte qui craqua. Il frappa encore et le montant tomba mais il ne s’aplatit pas au sol. Le Président rentra dans la demeure et il vit alors Vladimir, mort. Il ne débattit pas sur le fait que c’était bien ou un mal et il se précipita vers l’enfant qui inspira subitement de l’air. Il leva lentement les yeux et il vit le grand renne, tiré d’un célèbre film de Walt Disney, sur son t-shirt.

    - M… Monsieur… Articula péniblement Itzal, la bouche pâteuse.

    - Tout va bien se passer… l’ambulance arrive. Que t’est-il arrivé ?

                Itzal secoua lentement la tête. Le Premier Ministre rentra dans la demeure avec le conducteur. Le garçonnet se sentit encore mieux et le joyau à son front commença à s’illuminer très lentement. L’alien porta sa main à sa gorge, soulager de mieux savoir respirer.

    - Qu’allons-nous faire vis-à-vis de l’enfant ? Chuchota le Premier Ministre, horrifié en regardant le cadavre de Vladimir.

    - Je… Je vais en prendre la responsabilité. Décida Gleb.

    - Monsieur… Monsieur, je peux… je peux toujours voir Ivan et aller à l’école… hein ? Gémit-il.

    - Oui, tu pourras… Ah ! L’ambulance arrive ! Dit-il en entendant les sirènes.

                Il fit signe à son premier Ministre de bouger la porte ce qu’il fit tant bien que mal. Les brancardiers purent alors venir se saisir du petit extra-terrestre avec un mélange de crainte et d’envie.

                Gleb les accompagna pour rentrer dans l’ambulance avec l’enfant. Il ne pouvait le laisser seul, livré à lui-même, ainsi.

     


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  • Chapitre 16 : Le vaccin.

     

                Nikolaï courait vers Gleb Krylov, le regard avide, le souffle court. Il s’arrêta à côté du Président qui inclina doucement la tête vers lui. Il se détourna de la fenêtre où Itzal jouait à la balançoire, Patates dans une main. Il riait, les joues rosies et l’étrange talisman sur son front à nouveau rouge pétillant.

    - Président !

    - Nikolaï Aleksandrovitch.

    - Monsieur, je suis ici pour reprendre le flambeau de mon prédécesseur, Vladimir.

    - D’une autre façon, j’espère ! Ce qu’il a fait au petit Itzal est inconcevable.

                L’homme opina vivement. Son souffle était tout à coup bien plus court et es lèvres étaient sèches. Il craignait ce que pouvait faire un homme aussi influent que le Président en personne.

    - J’ai ses travaux, Président… Je sais ce qu’il envisageait de faire… Il se trouve qu’Itzal est particulier. Il a en lui un antidote universel qui peut guérir tous les maux, Président. Il peut devenir un médicament pour tout le monde. Nous pouvons devenir riches !

                Gleb regarda vers le garçonnet et il secoua la tête.

    - Je ne tiens pas à ce qu’il soit blessé.

    - Je ne nécessiterais qu’une petite prise de sang pour commencer. Il faut que j’apprenne à isoler le gêne-antidote. Je vous en prie, Président. Il en va de l’avenir de l’humanité.

                Gleb soupira lentement et il ouvrit la fenêtre. Des rafales d’airs s’engouffrèrent, faisant bouger sa veste et montrant le sempiternel même t-shirt du renne Sven. Il fallait vraiment qu’on emmène ses affaires professionnelles au lavomatique qu’il cesse d’être la risée de ses pairs.

    - Itzal ? Tu serais d’accord pour qu’on te fasse une prise de sang ?

                Le garçon arrêta la balançoire et courut vers lui. Il se mit sur la pointe des pieds et appuya ses coudes sur l’appuie de fenêtre.

    - D’accord !

                Gleb sourit en lui caressant les cheveux.

                Nikolaï sourit avec envie. Il allait pouvoir reprendre les pas de son prédecesseur.


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